Le pancréas amoureux
Denis est un homme tout à fait normal exception faite d’une condition particulière qui a mystifié le corps médical et, au sein de leurs restreints arcanes, lui a apporté une renommée dont il se serait effectivement bien passé : pour une raison inconnue, le siège de ses émotions se situe dans son pancréas plutôt que dans son coeur. Au début, la chose l’avait surpris, mais comme, de toute façon, l’amour est un sentiment universel, il vint à l’idée de Denis que, quel que soit l’organe qui ressent l’amour, l’important était d’être heureux. Un jour, à une soirée où des amis l’ont invité, il fait la connaissance de Diane, qui travaille elle aussi dans le domaine des assurances et qui adore comme lui la cuisine italienne. La complicité qui s’établit entre eux dès les premiers instants est remarquée par les gens présents à la soirée. Aussi personne n’est-il surpris d’apprendre que Denis et Diane se voient maintenant régulièrement. En quelques semaines, il est devenu éperdument amoureux de Diane et leurs séparations lui coupent littéralement l’appétit tellement elles lui pèsent, à lui et à son pancréas. Évidemment, tout son rituel amoureux, maintenant qu’il est décuplé par la passion dévorante qui l’habite, prend parfois des allures étranges étant donné que, inconsciemment, la prééminence de l’organe par lequel l’amour est ressenti apporte une touche assez particulière aux manifestations d’affection. Si Diane ne semble pas s’en formaliser outre mesure, elle est par contre hautement incommodée par l’intensité du sentiment que Denis lui manifeste. Incertaine quant au sien, elle préfère rompre plutôt que de feindre une réciprocité amoureuse dont elle ne se sent pas capable. Un soir, elle lui apprend son désir de rompre. Incrédule d’abord, Denis exige des explications que Diane, malgré toute sa bonne volonté, ne parvient pas à verbaliser clairement. Le lendemain, après une nuit cauchemardesque, il se réveille fiévreux, le corps scié par une effroyable douleur aux entrailles : il a le pancréas brisé. Pendant des mois, son médecin, en compagnie de spécialistes et de collègues qualifiés, tente de le soigner, mais c’est peine perdue. En désespoir de cause, les docteurs, à la suite des échecs répétés de tous les traitements, songent sérieusement à l’ablation pour le malheureux jeune homme qui ne parvient même plus à se nourrir. Alors que le spécialiste s’apprête à annoncer la mauvaise nouvelle à Denis, il lui présente sa nouvelle assistante. Le coup de foudre qui s’ensuit remet immédiatement le malade sur pied. Mais il doit constater désormais, à son grand dam, qu’il n’arrive plus à digérer la cuisine italienne.
– Julie Laffisch – 402 p. – 1997 – Fable amusante où l’auteur n’hésite pas à prendre de grandes libertés quant à l’anatomie humaine, tout en conférant à ses théories un lustre de cohérence qui convainc malgré tout le lecteur. C’est avec une grande sensibilité qu’est exploitée la symbolique originale et particulière de l’oeuvre.
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