samedi 19 novembre 2022
Ça sent la COP!
Nous étions tous sur le qui-vive lors des négociations au sein de la COP27 afin de savoir si, pour une 27e fois de suite, les dirigeants du monde allaient de nouveau voler au secours de la planète.
Oui, cette planète qui n'en finit plus d'être sauvée, conférence après conférence sur le climat, et qui ne fait rien pour s'aider elle-même puisque l'environnement continue de se détériorer malgré les efforts déployés.
Décidément, la nature est bien paresseuse et il est scandaleux de voir à quel point elle ne fait pas sa part, alors que tous les gouvernements font des pieds et des mains pour lui sauver la mise.
Bref, la COP27 est parvenue in extremis à un accord – que l'on n'hésite pas à qualifier de «moment historique» – afin de soutenir les pays pauvres, qui ont moins contribué à la pollution et qui en subissent le plus les conséquences. En d'autres termes, on va leur promettre du fric que l'on n'allongera jamais, de sorte que tout sera à recommencer, l'an prochain aux Émirats arabes unis.
Je prédis, sans risque de me tromper, que la COP28 sera un grand succès et un autre moment historique pour la planète.
Yé!
vendredi 18 novembre 2022
Catalogue
Lippée de dames au Claes
Claes est un immigrant d’origine belge chocolatier de son état. Cependant, sa passion pour la cuisine ne s’est pas arrêtée aux friandises. Au contraire, il n’a pas hésité, lorsqu’est venu le temps de s’établir, à se lancer dans la restauration. Afin de trouver les moyens de partir en affaires, il a épousé une fille de famille, davantage pour la dot de la jeune femme que pour les sentiments qu’elle lui inspirait. Installé dans une ville de province, il s’est rapidement taillé une réputation enviable dans le circuit des relais gastronomiques. En effet, Chez Claes a rapidement joui de la faveur populaire. C’est une réunion qui amène au Claes les principales représentantes des dames de la ville qui, à l’occasion de leur assemblée annuelle, ont décidé de joindre l’utile à l’agréable. D’ordinaire, cet événement sert de prétexte à de joyeuses ripailles aux épouses des édiles qui y font le bilan de leur année de bonnes oeuvres et d’initiatives à caractère culturel. Cette fois-ci, exceptionnellement, la réunion s’engage sous un jour moins radieux. En effet, on soupçonne l’une des trois dirigeantes de s’être généreusement servie dans les caisses de l’association. Ce souper n’est en fait qu’une chasse aux sorcières alors que l’une d’elles se trouve en danger d’être démasquée. Tandis que le repas s’engage dans une atmosphère funèbre, la finesse des plats, malgré tout l’entrain de Claes, qui ne dédaigne pas « faire de la salle » comme il dit, ne parvient pas à dérider l’assemblée. Au contraire, à mesure que la réunion avance, les accusations à peine masquées sont proférées alternativement envers l’une et l’autre, tandis que de vieux comptes se règlent entre légitimes et maîtresses. Finalement, les soupçons s’accumulent sur la tête de la seule des femmes, la trésorière, à ne pas avoir d’alibi le jour d’un fatidique versement. Alors que la tension monte insensiblement autour de la table, et que tous les prétextes sont bons afin de s’excuser et d’aller respirer dans la chaleur épaisse de la cuisine, on découvre que la trésorière en question n’est nulle autre que la maîtresse de Claes, lequel éprouvait dernièrement de graves problèmes d’argent à cause du train de vie débridé de sa femme. Malheureusement, leur conversation à coeur ouvert est surprise par nulle autre que l’épouse de Claes qui devient d’office la meneuse de jeu. Alternativement menaçante et cajoleuse, elle tente d’obliger Claes à trahir sa maîtresse afin de se débarrasser elle-même de manière définitive de sa rivale, et lui de la dette qu’il a contractée à son endroit. Malheureusement, le complot se retourne contre elle et la chute finale, aussi ingénieuse qu’inattendue, n’a pas manqué de séduire le critique même le plus exigeant.
– Janko K’Tômaré – 192 p. – 1991 – Brillant exposé de rivalités de basse-cour servant de toile de fond à une frappante étude de société où, sous des dehors avenants, se tapissent les plus noirs desseins.
Dixit dictionnaire
Et puis, à «traître», à «menteur», à «arrogant» et à «geôlier», il y a la photo de son père.
C'est une famille très admirée.
jeudi 17 novembre 2022
mercredi 16 novembre 2022
Catalogue
Lierre soir
Écrite peu après la guerre, mais demeurée cachée tout ce temps, cette pièce a été imputée par erreur, et à titre posthume, à Raymond Barrault martyr de la Résistance, auteur célèbre de l’entre-deux-guerres. En effet, Barrault (à ne pas confondre avec Jean-Louis Barrault) avait été le premier à mentionner Lierre soir dans une de ses chroniques, alors que la pièce était au feuilleton de l’Odéon de Paris pour le printemps 1940. La débâcle de mai-juin de cette année et l’entrée des Allemands dans la capitale française reléguèrent provisoirement aux oubliettes le théâtre parisien. La pièce, due à la plume de Jean-René Maillé, auteur comique du Café parisien, tomba dans l’oubli en attendant que son auteur ne revînt d’exil. Cependant, pratiquement ruiné en 1945, Maillé dut, afin de subsister, accepter un poste de journaliste au Figaro, poste qu’il ne put garder qu’en taisant ses propres idées politiques. Craignant une mise à pied intempestive si sa pièce devait être jouée, il la fit néanmoins monter dans un théâtre de banlieue sous un pseudonyme, en 1949. Quoiqu’elle ait connu un relatif succès d’estime, elle demeura largement ignorée du public, principalement en raison de la pauvreté du jeu des acteurs. Guère plus heureux avec ses autres oeuvres, Maillé finit sa carrière dans l’oubli comme rédacteur en chef du Figaro. Vingt ans après, sa petite-fille, alors qu’elle fouillait dans des souvenirs de famille, finit par retrouver de mystérieux manuscrits dans une malle, heureusement très bien conservés, et reconnut l’écriture de son grand-père grâce à des lettres qu’elle avait conservées de lui. Elle exhuma ainsi un trésor littéraire constitué d’une quinzaine de pièces et d’une demi-douzaine d’écrits divers, allant du recueil de poèmes à l’essai, en passant par des nouvelles et un roman. Lierre soir raconte, dans un style très vivant, une soirée très mondaine dans un château isolé où les invités vont se rafraîchir au jardin ou tout simplement y badiner agréablement. L’un d’eux, solitaire, tombe près de la treille du lierre sur un mystérieux personnage avec lequel il engage une longue conversation. D’abord surpris par la profonde érudition de son interlocuteur, l’invité devise avec lui de tous les sujets. C’est ainsi qu’il en vient à admirer la profondeur de pensée de l’inconnu. Graduellement, alors que les deux hommes lient connaissance et qu’ils portent des réflexions sur les gens qui déambulent sous leurs yeux, l’invité se surprend à ouvrir son coeur à l’inconnu, lui révélant les troubles qui agitent son âme. Les paroles rassurantes de l’inconnu lui permettent de découvrir un nouveau sens à son existence juste au moment où l’hôte apostrophe rudement son interlocuteur qui n’est autre que le jardinier de la maison.
– Jean-René Maillé – 320 p. – 1990 (édition originale 1939) – L’action de cette oeuvre particulièrement dense n’est pas sans rappeler, dans son traitement, le théâtre du XVIIIe siècle tel que Beaumarchais et, à un moindre titre, Marivaux l’ont conçu en leur temps.
mardi 15 novembre 2022
lundi 14 novembre 2022
Catalogue
Lapouloulof est venu le premier
Pièce de théâtre satirique hautement critique des exactions commises en Europe de l’Est sous la botte du régime soviétique. Dans une république populaire fictive, une réunion se prépare au Politburo, l’instance politique suprême, dans une attente fébrile. Alors que règne une ambiance malsaine qui rappelle aux protagonistes les pires affres des purges staliniennes auxquelles ils ont, pour la plupart, échappé de justesse, et qu’ils évoquent à mots couverts, les principaux responsables politiques, craignant l’ingérence du « grand frère » russe, débattent en sourdine d’accusations de malversations au sein du ministère de l’Agriculture alors que, justement, les récoltes ont été mauvaises. Un certain haut fonctionnaire aurait détourné à son profit des cargaisons entières de blé qu’il aurait vendues à bas prix à une nation étrangère. Le Politburo, afin de régler l’affaire discrètement et avec célérité, a fait courir la rumeur que la police a identifié le coupable. Il a ensuite convoqué à une réunion extraordinaire la dizaine de hauts fonctionnaires ayant pu s’approprier aussi facilement les ressources de l’État, sachant que le responsable, craignant pour sa sécurité, préférera s’enfuir plutôt que d’assister à la réunion, et qu’il se démasquera par la même occasion. À mesure que l’attente leur pèse, les membres du Politburo y vont chacun de ses hypothèses quant au coupable, se contredisant eux-mêmes à mesure que leur imagination prend le dessus. Terrifiés à l’idée que leur plan puisse échouer, ils en viennent à se jeter à la figure les pires accusations d’incompétence et de négligence. Alors que l’heure de la réunion approche et que l’ambiance dans la salle est sur le point de virer à l’hystérie, un planton annonce l’arrivée du camarade Lapouloulof, un des fonctionnaires les plus impopulaires du Ministère, aussi est-il considéré comme le principal suspect. Bien que la majorité soit rassurée quant à l’innocence du camarade Lapouloulof, certains s’acharnent à essayer de démontrer sa culpabilité en le soumettant à un interrogatoire serré où les pires suspicions sont insinuées, mais jamais clairement formulées. Lapouloulof, se défend du mieux qu’il peut, espérant que d’autres membres du Politburo viendront à son secours. Devant leur indifférence, il se mue progressivement en accusateur lui-même, écartant les soupçons et formulant des critiques à l’égard des décideurs du régime, corrompus pour la plupart, cachant sous les honneurs et les décorations des activités moralement et politiquement douteuses. Alors que cette joute verbale épuise les participants, le camarade Lapouloulof remarque à la fin que l’heure de la réunion est déjà passée. Force est de constater qu’il est le seul à s’être présenté et que les autres suspects sont déjà en cavale.
– Elke Renelev – Première publication : 1981 sous le titre Harracho ! – Traduit du russe par Otto Graff – 166 p. – 1988 – Pièce tragique, qui ne se départit jamais pour autant d’un brin d’humour caustique, le succès de cette oeuvre en Occident est certainement dû autant à son esprit critique frondeur qu’à son style anticonformiste.