Le soleil sur le mur
Dans un quartier ouvrier de Montréal, Gilles, un jeune garçon souffrant d’une difformité à une jambe, est un exclu dans son monde. Mis à part l’école, il ne participe à aucune activité à cause de son infirmité. La plupart de ses temps libres sont passés à la fenêtre de la cuisine d’où il peut voir les enfants s’amuser dans la ruelle. Mais il contemple surtout le mur de l’usine où le soleil couchant laisse un reflet doré qui le charme et le fascine tout à la fois. Gilles peut ainsi, mentalement, enregistrer les hauts et les bas de son quartier en s’apitoyant constamment sur son sort. En plus, il est un témoin extrêmement critique de sa famille où les tracasseries quotidiennes du milieu ouvrier lui répugnent au plus haut point. Ses rêveries l’amènent à souhaiter pour lui-même une amélioration de son sort, mais il sait qu’avec son handicap il ne peut espérer s’arracher à son milieu. Un jour, alors que les vacances sont commencées et que les enfants se sont littéralement emparés de la ruelle à leur usage exclusif, Gilles remarque, assise à la fenêtre d’une maison voisine, une jeune fille de son âge également immobile, qui contemple le monde extérieur. D’abord étonné, sa surprise fait place brièvement à la jalousie puisque Gilles semble avoir perdu le monopole de son rôle d’observateur et de critique. À la longue, toutefois, comme la fillette est chaque jour fidèle au poste, comme lui-même, Gilles se prend au jeu. Un dialogue muet s’engage où par gestes ils tentent de communiquer, attirant mutuellement l’attention de l’autre sur un détail pittoresque, bizarre ou drôle. Au fil de leurs échanges silencieux, Gilles s’interroge de plus en plus au sujet de la jeune fille, se demandant quelles seraient ses réactions devant telle ou telle situation. Afin de mieux organiser ses idées, il commence à consigner ses impressions dans un cahier d’écolier. Lentement, ses écrits débordent vers sa famille et le monde qui l’entoure, c’est-à-dire celui qu’il peut apercevoir de sa fenêtre. Mais à la fin de chacune de ses méditations, il revient sans cesse à son interlocutrice muette et mystérieuse qui le subjugue. De plus en plus fasciné, il lui attribue non seulement une personnalité extrêmement complexe, mais aussi un destin d’exception, s’imaginant qu’elle a été envoyée à sa vigie uniquement pour tenir compagnie au garçon infirme et affligé par un monde insensible aux malheurs des infortunés. À la fin, complètement obsédé par la fillette, dévoré par la curiosité, il saisit sa canne et part à sa rencontre, ayant soigneusement repéré la maison où elle vit, afin de vérifier la justesse de ses multiples hypothèses. Arrivé à destination, il sonne à la porte et, malgré son embarras, réussit à se faire introduire par la mère de la fillette qui lui est présentée comme étant Doris, et qui n’a pas de jambes.
– Barbara Plouffe – 264 p. – 1994 – Étrange méditation sur l’exclusion, ses travers et ses avantages, qui, sous la plume d’un enfant, prend un sens à la fois cocasse et tragique. Message d’espoir également, puisque ce roman insiste sur la fragilité de l’isolement de l’individu, qui cesse d’exister dés que l’isolé tend la main vers autrui.