Alimentaire, mon cher Watson
Parodie du classique des polars. Mme Hudson occupe deux rôles importants dans la vie. Elle est d’abord et avant tout propriétaire du 221 Baker Street à Londres et, en tant que telle, elle a comme locataire un personnage des plus excentriques, au logement qu’elle loue au 221b de la même rue, un Écossais au visage maigre et au regard perçant, un certain Sherlock Holmes, qui se prétend détective privé et qui aime à vivre dans le plus exaspérant désordre. En plus, Mme Hudson est également gouvernante de ce fantasque personnage à qui elle sert les repas qu’il prend, le plus souvent, en compagnie d’un de ses intimes, un médecin tout à fait honorable par ailleurs, un certain docteur Watson, non pas écossais celui-là, mais bien anglais jusqu’au bout des ongles. L’intimité de ces deux personnages a, au début, vivement inquiété Mme Hudson, qui s’est trouvée, à maintes reprises, dans la position embarrassante de saisir des bribes de conversation, alors qu’elle exécutait son service alimentaire comme à son habitude, et qui lui ont laissé comprendre que, en plus de certaines inclinations vers des substances hautement douteuses, les deux hommes semblaient entretenir des rapports pour le moins surprenants. De son côté, Mme Hudson, afin de ne pas être en reste peut-être, fréquente, de manière purement platonique il va sans dire, un professeur très respectable à qui elle confie les menus détails de sa maisonnée. Graduellement, comme on le constate au fil des commentaires qu’elle adresse à son ami, elle finit par s’habituer aux moeurs peu banales de ces étranges gentlemen qui semblent recevoir, en outre, des visites étonnantes. L’une d’elles, d’ailleurs, qui se produisit à l’heure du breakfast attire particulièrement son attention. La conversation qui se tint à demi-mot ne prit son essor véritable qu’après que Mme Hudson eut signifié son congé. Rongée par la curiosité, elle ne put s’empêcher de prêter l’oreille à travers le battant fermé à clé et elle constata, avec la plus grande des surprises, que le visiteur n’est nul autre que le ministre de l’Intérieur venu supplier – le mot n’est pas trop fort – son extravagant locataire de bien vouloir l’aider à récupérer un précieux document ayant disparu. Au fil de ses services, Mme Hudson en apprend un peu plus sur l’affaire. Mais la dame, tout de même peu au fait des méthodes policières, s’étonne de voir son locataire mener son « enquête » sans jamais sortir de ses appartements, mais à grand renfort de tabac et de discussions avec le docteur Watson. À la fin, quelle n’est pas sa surprise de voir les policiers enfoncer sa propre porte, tandis qu’elle reçoit son ami le professeur, et de se résoudre à laisser la force constabulaire emmener, menottes au poing comme un vulgaire criminel, l’infortuné Moriarty.
– Léda Darnell – 244 p. – 1995 – Rarement aura-t-on vu un écrivain renouveler un genre avec autant de bonheur. Que les aficionados de Sherlock Holmes ne s’en formalisent pas, il s’agit ici d’une histoire que n’eut pas désavouée Conan Doyle lui-même. L’idée de faire de la logeuse la narratrice du roman n’est rien de moins que géniale !