Si, comme moi, vous êtes un cinéphile averti, vous n’accordez aucune attention aux divers concours primant le cinéma, qu’ils soient tenus aux Stazunis, en Europe ou ailleurs.
Tout de même, c’est comme certains sports pratiqués par temps froid. Qu’on s’y intéresse ou non, on nous les assène dans les journaux et dans divers autres médias tendus – paraîtrait-il – vers l’authenticité, couplée à un rigoureux professionnalisme.
C’est ainsi, par effet de submersion, que j’ai pris connaissance de la dernière en date concernant la 45e édition des prix César à Cannes. Ne vous inquiétez pas, surtout; je vous rassure tout de suite: c’est en France.
On savait que Roman Polanski, condamné aux Stazunis en 1977 pour avoir eu des «rapports sexuels illégaux avec une mineure», avait réalisé le film J’accuse portant sur l’affaire Dreyfus. Or, cette œuvre fut mise plusieurs fois en nomination. Déjà, cela créait de sérieux remous.
Alors que le principal intéressé avait renoncé à se présenter le soir de la remise des prix, des manifestants, à l’extérieur de la salle, dénonçaient le Festival d’avoir récompensé implicitement, par ces 12 nominations, un personnage au passé pour le moins notoire.
Comble d’ironie pour le monde du cinéma, il y eut ce soir-là un coup de théâtre. On n’avait pas sitôt annoncé que Roman Polanski recevait le César de la meilleure réalisation, qu’un tumulte s’élevait en salle, suivi par le départ en masse de spectateurs. Depuis, les anathèmes fusent sous le ciel de Paris – autre ironie relative, celle-là, au monde de la chanson – pour décrier ou encenser le choix.
On ne peut nier qu’une condamnation pour viol demeure d’une gravité extrême. En conséquence, le quidam devrait se compter bien heureux qu’on ne l’eût point reconnu coupable, en plus, de pédophilie.
Je ne m’étais jamais rendu compte, auparavant, à quel point on pouvait peiner à dissocier un individu de son œuvre.
NOTE DE LA RÉDACTION
Nous sommes très heureux d'annoncer à notre aimable lectorat que, cet après-midi, Buffet complet aura l'insigne privilège de présenter un extrait de la célèbre pièce Le roman Paul Lansky, avec dans les rôles de Josée et Jojo, respectivement Vivien Leigh et Claude Rains. Au plaisir de vous y accueillir.