vendredi 17 décembre 2021

Île Boris


 

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Les clés du pouvoir sont sous le paillasson


Un individu simplet se retrouve, à la suite d’un concours de circonstances, à la présidence de la République. Son élection est due aux intrigues d’un ministre influent qui désire à la fois se débarrasser du président en poste et prouver à l’ensemble de la classe politique française que rien ne résiste à son génie. Le début du septennat se déroule assez rondement, mais les premières lézardes se manifestent dès qu’une visite officielle amène à Paris le premier ministre d’un pays africain, ancienne colonie française. Le visiteur est accompagné par sa fille, une jeune femme d’une troublante beauté et à l’absence de scrupules encore plus frappante. Sous le charme de la jeune personne, le nouveau président vient bien près de révéler quelques secrets militaires, y compris les plans complets de la base navale de la péninsule de Crozon. L’affaire, qui a failli tourner très mal, est maquillée par le ministre véreux en tentative de rapprochement entre l’ancienne métropole et les pays d’Afrique noire. Du jour au lendemain, la France gagne dans ce continent une grande renommée. Enhardi par ce qu’il considère un fin sens politique, celui qu’on surnomme déjà le « Coluche de l’Élysée » décide de mettre fin au chômage, ce qu’il réalise en l’espace de quelques semaines au détriment, et au grand dam, des grandes, moyennes et petites sociétés nationales et étrangères. En secret, et ce avec la complicité du ministre véreux, de puissants intérêts décident de se débarrasser de ce président trop efficace. Ayant saisi par hasard une conversation dans un couloir de l’Élysée, une jeune attachée de presse se jette aux pieds du président, feignant un malaise, lors d’une réception officielle. Celui-ci la porte dans ses bras jusque dans un salon particulier tandis que l’assassin l’attend dans les jardins. L’attentat ayant ainsi échoué, la jeune femme met le président au courant du danger qui le menace sans pour autant pouvoir identifier les conjurés qu’elle n’a pas vus. Devenue une habituée de l’Élysée, elle fréquente de plus en plus les réunions du président, dont elle devient la confidente, se mettant à la fois dans l’embarras auprès du conseil des ministres qui voit d’un mauvais oeil la présence d’une journaliste si près des arcanes du pouvoir, mais également auprès de la direction de son journal auquel elle ne raconte rien de ce qui se trame dans les coulisses de la république. Un jour, elle reconnaît la voix du ministre qu’elle identifie dans le même couloir où les intonations deviennent facilement reconnaissables à cause d’un effet d’écho particulier. Le ministre et les conjurés sont arrêtés. Après leur retour de la mairie où le président et la journaliste ont scellé leur union, l’huissier ne trouve plus les clés afin de les faire entrer à l’Élysée. Le président soulève le paillasson et exhibe fièrement sa propre clé.


 – Reine Aubrel – 364 p. – 1995 – Ce roman a été tiré, avec beaucoup de bonheur, d’un scénario de film pour lequel avait été pressenti le regretté Coluche peu de temps avant son décès. C’est avec beaucoup de plaisir que l’on retrouve ici la candeur bonasse de ce grand comique.


jeudi 16 décembre 2021

Les poissons du poison

 



Dans un admirable élan de générosité typiquement cAnadien, la ville de Brampton, en Ontario, a décidé de poser un geste significatif afin de lutter contre la loi 21 adoptée, au Québec, en 2019. Bref, Brampton se mêle de ce qui ne la regarde pas.


Au demeurant, qu’est-ce que la loi 21? C’est une législation qui déclare que «l’État du Québec est laïc», de sorte que les services gouvernementaux, et ceux qui les dispensent, ne doivent arborer aucun signe religieux. 


Inutile de préciser que cela a été contesté de part et d’autre, en particulier sous couvert de «wokisme», le nouveau terme désignant l’ouverture d’esprit. Les personnes qui invoquent ladite ouverture afin d’abolir la loi 21 semblent oublier que les religions ne sont certes pas des parangons de tolérance, comme on a pu le constater au fil de l’histoire; et aussi de l’actualité. En autant que l’esprit – fût-il ouvert ou fermé – soit concerné, les religions se sont avérées plus toxiques que bienfaisantes. Mais qu’à cela ne tienne, il se trouve toujours des bien-pensants acharnés à se doter d’une bonne conscience de façade.


À ce propos, revenons-en à Brampton. Combien la municipalité a-t-elle versé pour protéger le caractère francophone de l’Hôpital Montfort, ou celui de l’Université Laurentienne, en Ontario? Bref, que fait Brampton lorsqu’elle est confrontée à une véritable injustice qui la regarde de près?


mercredi 15 décembre 2021

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Les clairons mal embouchés


Au cours de la Première Guerre mondiale, de jeunes recrues suivent une formation de musiciens militaires. Au fil des semaines, ils doivent se plier à un entraînement particulièrement dur, dont les leçons de musique ne sont pas les moins pénibles. Quelques-uns, possédant déjà des rudiments, prennent plaisir tout au moins aux cours de solfège et au maniement des instruments. Les plus talentueux sont paradoxalement les rares jeunes gens issus des classes populaires. Pour les autres, qui n’ont dû leur assignation qu’à leurs relations, l’apprentissage de la musique auprès d’un capitaine particulièrement intransigeant devient une expérience hautement désagréable. Habitués à leurs privilèges, incapables du moindre effort de concentration, peu habitués à quelque forme de travail que ce soit, les jeunes bourgeois goûtent pour la première fois de leur vie aux avanies que connaissent d’ordinaire les moins fortunés. Les tensions se développent et se cristallisent autour de la rivalité mettant en présence deux des fortes têtes de l’unité : Ladurie, le chef des « boutonnés », surnommé « Bol d’or » par ses camarades à cause de son père, important négociant en or fin pour les bijouteries de la capitale, et « Blitte », fils tardif d’un métallo vétéran de la Commune de Paris, qui, pour sa part, dirige les « guenilles ». Alors que leur formation approche de son terme, on apprend qu’une moitié de l’effectif sera effectivement versée dans les différentes fanfares militaires, tandis que le reste de la troupe sera envoyé aux tranchées. Anticipant l’effet de la nouvelle, le colonel commandant l’académie décide de s’en remettre au volontariat avant de régler la question. Dès lors, le conflit entre les deux groupes, encore relativement larvé, éclate en quelque sorte au grand jour. Les cadets commencent à se vouer une haine féroce d’un groupe à l’autre jusqu’à ce que, un soir de permission, une rixe éclate et que trois cadets, du groupe de Bol d’or, soient emmenés sur une civière. Le scandale frappe alors l’académie de plein fouet et les cadets se retrouvent tous assignés à servir dans les tranchées en guise de punition. Alors que les recrues commencent à recevoir leur barda de guerrier, les hommes de Blitte apprennent que « les parents des gosses de riches » ont fait jouer leurs influences afin d’éviter que leur progéniture ne se retrouve en première ligne. D’abord incrédules, ils sont outrés par l’injustice de la situation alors que les moins doués vont se retrouver versés dans les fanfares. D’un commun accord, et à la suite d’un serment pris en secret et à la lueur des bougies, les « guenilles » s’équipent et, à la baïonnette, massacrent en silence tous leurs camarades pendant leur sommeil. Le lendemain, dans la cour de la caserne, Blitte, au clairon, entonne l’appel aux morts.


 – Hubert Allesse – 402 p. – 1988 – Récit noir et dur qui revendique avec force, et ce, au-delà de toutes les contradictions sous-jacentes, les droits les plus élémentaires de la condition humaine. Nulle part ailleurs l’expression « les damnés de la terre » n’aura pris tout son sens.


Hoquet de hockey, OK?

 


mardi 14 décembre 2021

Marguerite blette

 



On se souviendra que Mme Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, a été terrassée par une attaque inopinée d’épuisement professionnel peu après le début de l’enquête de la coroner Géhane Kamel concernant les décès en CHSLD lors de la première vague de Covid.


Il appert que Mme Kamel aurait quelques questions à lui poser relativement à la gestion de la ministre, aussi est-il fortuit que Mme Blais se soit rétablie suffisamment pour déposer dans le cadre de l’enquête. Cela est d’autant plus opportun que la pression s'accroît de jour en jour sur le gouvernement de M. François le Gault* afin que toute la lumière soit faite sur l’affaire.


Le rétablissement progressif de Mme Blais est donc une coïncidence d’autant plus heureuse dans le contexte. Connaissant sa très grande compétence en toutes circonstances, il est à espérer que la ministre saura rasséréner la population quant à l’inégalable expertise du gouvernement dans la gestion de la crise sanitaire.






* Le gault, ou argile de Gault (dite parfois «argile albienne»), est une formation d’argile raide de teinte gris-bleu à gris foncé, qui s'est déposée à profondeur moyenne dans des eaux marines calmes, au cours du Crétacé inférieur. [… Il] contient souvent des nodules phosphatiques en grande quantité, dont une partie est classée comme coprolithes, c’est-à-dire un excrément minéralisé, fossilisé (https://fr.wikipedia.org/wiki/Argile_du_Gault).


lundi 13 décembre 2021

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Le chien fait sa niche


Basile est un jeune garçon de seize ans. Adopté dès la naissance par la famille Arcand, il n’a jamais connu ses parents. On a chuchoté, dans le pays, qu’il était le fils naturel d’une des domestiques de la maison, mais la chose n’a jamais été prouvée. La famille est présentée avec une verve toute spéciale par Basile lui-même, qui, au fil des pages, décrit les siens à son chien avec une affection très sincère. Cependant, tandis que les compliments pleuvent sur les têtes bourgeoises, le lecteur réalise peu à peu que Basile n’est guère mieux traité que le chien auquel il s’adresse dans le secret de la remise. Basile coule des jours heureux alors qu’il travaille sans relâche pour assurer la tranquillité d’esprit et le confort matériel de la famille, dont les attitudes à son égard varient de l’indifférence narquoise de la cadette jusqu’au mépris presque avoué du fils aîné, en passant par la condescendance bienveillante des parents et la fourberie mesquine de l’oncle. Dans ce paradis aux fruits empoisonnés, la vie pourrait effectivement se poursuivre sans anicroche. Mais voilà qu’un été, la maison voisine est louée pour les vacances par une famille de la ville, des gens aisés eux aussi, ayant comme seule enfant une fille un peu garçonne au caractère frondeur. Si l’amitié entre Basile et Annie ne s’élabore que difficilement, c’est surtout que le père a mis en garde son fils adoptif contre cette fille un peu trop délurée pour être recommandable. Aussi n’est-ce qu’avec difficulté que les liens se nouent entre les deux jeunes. Mais une fois que la confiance s’installe, Annie est stupéfaite d’apprendre quel sort est celui de Basile et elle met en jeu sa fragile crédibilité afin de dessiller les yeux de son ami. Les choses ne vont pas aussi facilement qu’elle l’aurait prévu, car Basile n’arrive qu’avec difficulté à admettre son état de quasi-servitude. Ses hésitations, magnifiquement rendues au cours de ses monologues avec le chien, témoignent d’une véritable prise de conscience. À la fin, alors qu’Annie a réussi l’initiation de Basile à la désobéissance et que, devant cette révolution en miniature, les lézardes éclatent au grand jour au sein de la famille Arcand, Basile doit se préparer à une ultime épreuve alors que l’été touche à sa fin et que Annie lui annonce qu’elle fera de lui un homme en guise de cadeau d’adieu. Mais voilà que la famille décide de reprendre son rejeton adopté en main et que, même auprès de son ami canin, Basile sent monter une vague désapprobation.


 – Paul Cadotte – 502 p. – 1991 – Ce roman se veut une amère et cinglante critique, tandis qu’elle devient, au fil des pages, une métaphore pour l’ensemble de nos sociétés contemporaines où l’étalage de bons sentiments ne sert qu’à s’assurer la docilité du plus grand nombre et où l’esprit dit philanthropique n’hésite pas à réprimer tout sursaut de libre pensée.


Charité chrétienne

 

Et d’ailleurs, pourquoi les appelle-t-on des «aumôniers» ? Ce n’est tout de même pas pour les aumônes qu’ils distribuent…