La Commune : ôtez !
Cet essai constitue la plus acerbe critique du mouvement hippie des années 1960 et 1970 au Québec. L’auteure attaque principalement les valeurs surannées qui, à cette époque, ont servi de prétexte pour le mouvement du soi-disant « retour à la terre », qui s’est bien entendu soldé par un échec autant social qu’économique. Pour l’auteure, cette prétendue refonte des valeurs n’en était une qu’en apparence. En effet, la simple notion du retour à la terre représentait déjà une forme de résurgence des valeurs conservatrices d’antan, valeurs qui allaient se rajuster au début des années 1980, avec le même conservatisme professé par les mêmes protagonistes, mais cette fois avec une saveur capitaliste des plus modernes. Ainsi, le discours « hippie » à la sauce québécoise axé sur l’individu à l’ego exacerbé, la remise au goût du jour des valeurs terriennes, le principe de l’autarcie aux dépens de la société globale, l’exploitation sélective des services collectifs au bénéfice du petit nombre, etc., n’aura servi, en définitive, qu’à préparer le terrain à la prise de possession de la société par les fameux baby-boomers. Essentiellement, le mouvement hippie ne consistait, pour ceux qui en ont pris en main à la fois la philosophie et le militantisme, qu’en une transposition revendicatrice des valeurs bourgeoises de la part d’un groupe estimant que la génération « de la crise » (1929) n’était pas en mesure d’assumer efficacement le potentiel économique de la société de la seconde moitié du XXe siècle. Au Québec à tout le moins, les valeurs de travail et de dévouement ne coïncidaient pas avec les aspirations élitistes des hippies qui, sous le couvert d’un mouvement égalitariste, ne cherchaient en définitive qu’à s’assurer leur mainmise socio-économique, mais avec une détermination que n’avait pas connue la génération précédente. Ainsi, après les « vacances de la jeunesse » que fut le mouvement hippie, les anciens « babas cools » se sont mis en frais de prendre les commandes de la société, que ce soit au sein des structures étatiques (bureaucratie) ou par le biais de la mondialisation des marchés qu’annonçait l’aube des années 1980. L’auteure, dans une métaphore percutante, illustre son propos en mettant en scène un protagoniste qui, dans la nuit du 31 décembre 1979 au 1er janvier 1980, change de vêtements, sans pour autant se départir de ses valeurs. Ces dernières, comme les vêtements du personnage, changent peut-être de nom, mais demeurent essentiellement les mêmes. Si aujourd’hui elles s’appellent écologie, village global, productivité, consommation à outrance, etc., elles demeurent celles qui ont été forgées dans le creuset des communes d’il y a trente ans.
– Claire Lavoie – 522 p. – 1995 – La clarté de la démonstration, et son intransigeante honnêteté, ont incommodé plusieurs érudits lors de la publication de l’ouvrage. Attaquée au moment des États généraux du Québec, l’auteure a depuis connu la notoriété tant ici qu’en France.