Pendant deux siècles et demi, l’arrogance britannique a fait la leçon à la planète entière. Toute bouffie de ses prétendues valeurs supérieures, elle a pourfendu tous les gouvernements, régimes et sociétés qui n’ont pas su gagner sa faveur. Dans le même temps, la suffisance de la morale anglo-saxonne fut transmise à tous les pays issus de cette racine discutable, de sorte que, partout où l’Union Jack est passé et a fait des petits, le même orgueil a poussé ses héritiers à toujours regarder de haut «les autres».
Combien de fois, depuis l’île de l’Australie jusqu’à l’archipel britannique – en passant par toute l’Amérique du Nord –, n’a-t-on pas entendu quelque anathème dénonçant des carences démocratiques, dans tel ou tel pays? Très souvent, c’étaient d’anciennes colonies de ce fameux empire où le soleil ne se couchait jamais qui, de la sorte, ne reçurent pas l’aval de l’ancienne métropole et de ses rejetons.
On en sait quelque chose, au Québec; entre autres.
Tant que l’histoire est allée à leur avantage, les Britanniques et leurs héritiers ont été très fiers de mettre de l’avant leur attachement aux principes démocratiques et à la légitimité conférée par l’adhésion populaire. Pendant tout ce temps, cela n’a pas été présenté comme de l’opportunisme politique, mais bien comme un trait substantifique du caractère anglo-saxon, ce qui assurait de facto à ce dernier une supériorité morale absolue.
Ainsi, on s’est fait rebattre les oreilles avec des notions aussi fausses que celles du «foyer de la démocratie» pour le Royaume-Uni; de l’«exceptionnalisme états-unien» pour les Yankees; et du récent «premier État postnational» pour le CAnada. Tous ces titres portés comme des médailles en fer-blanc au revers d’un vêtement élimé.
Mais, bien évidemment, le vent finit toujours par tourner et c’est alors que la morale anglo-saxonne révèle son véritable visage: celui de l’abus de pouvoir, comme partout ailleurs. Ces derniers temps, empêtré dans le bourbier du Brexit, le Royaume-Uni n’en finit plus de chercher le moyen de s’extraire de cette crise qu’il s’est fabriquée de toutes pièces. Le plus récent chapitre met en scène un premier ministre pour lequel personne n’a voté qui, avec l'assentiment tacite d’un monarque pas davantage élu, décide unilatéralement de proroger une assemblée souveraine afin d’imposer une mesure impopulaire.
Le dernier, en Grande-Bretagne, à avoir tenté ce genre de chose s’appelait Charles Ier et il a fini décapité en place publique.
Il semblerait que Boris Johnson, lui, a plutôt commencé par perdre la tête.
(Parlant de tête, celle de Cromwell a été empruntée à sa statue érigée à Saint-Ives, au Royaume-Uni.)