S’il est bien un mot systématiquement galvaudé, depuis une dizaine d’années, c’est celui de «gauche». En fait, le terme a été tellement utilisé à contresens qu’il a fini par perdre toute signification.
À la limite, on pourrait dire qu’il désigne n’importe quelle prise de position qui a le malheur de déplaire, et ce, quelle que soit la personne contrariée par la situation. Fascistes, centristes et même, de nos jours, sociaux-démocrates n’hésiteront pas à affubler de «gauchisme» les opinions qui les prennent à rebrousse-poil. Une fois le mot lâché, toutes les attaques deviennent de facto justifiées. Dès lors, il n’est plus besoin de faire montre de retenue, de logique, de respect ou de sens commun. L’idée de gauche, maintenant, est devenue une sorte de fourre-tout, un gigantesque sac, contenant tout ce à quoi des analystes à courte vue sont allergiques. Leurs commentaires péjoratifs finissent par créer un feu roulant ressemblant à une quinte de toux intempestive, inopinée et irréfléchie.
Il est vrai que de prétendus gauchistes ont largement contribué à brouiller les cartes. En effet, quand des partis se prétendant de la gauche se limitent – volontairement – à faire de leur programme uniquement un porte-voix pour les minorités culturelles, sexuelles ou religieuses, il devient évident que la notion de gauche – la vraie – a été non pas diluée, mais bien totalement évacuée.
Si j’osais, je me permettrais de rappeler qu’il existe deux manières de répartir la richesse collective. Celle que nous connaissons présentement où une infime minorité de la population accapare, en toute oisiveté, la grande majorité de cette richesse. Mais il y a aussi l’autre où certains inconséquents, dit-on, pensent que toute personne a droit à sa juste part, simplement du fait qu’elle est un être humain et que les sociétés se doivent d’être humaines. Si vous tendez à penser en faveur de la première catégorie, vous êtes de droite; si vous estimez que c’est la deuxième possibilité qui est la meilleure, vous êtes de gauche. Tout le reste est accessoire.
Évidemment, je ne veux pas faire la leçon, ici. J’aurais trop peur qu’un autre fâcheux me traite de «gauchiste».
Tousse-toi que je m’y mette!