Le dieu donné
Tom Cooper est un rebelle. Comme ses activités ont attiré l’attention de la Garde, il n’a eu d’autre recours que de s’enfuir. À son époque, alors que les confins du système solaire ont été colonisés, son seul salut est de se réfugier dans les « landes », comme le veut le jargon des aventuriers qui explorent des parties de la galaxie encore peu connues. Résolu à couper définitivement les ponts, Cooper lance son vaisseau aussi loin que son rayon d’action le permet. Il découvre ainsi une nouvelle planète qui est peuplée d’humanoïdes dont le stade de développement technologique est à peu près équivalent à la période néolithique tardive. Les premiers contacts sont ardus. Entre autres parce que les radiations de son véhicule, bénignes pour les humains, sont mortelles pour les « Noviens », comme ils se font appeler. Impressionnés par Cooper, ils sont partagés entre le respect et la terreur. Finalement, Cooper accepte, pour de brèves périodes, habitué qu’il est au confort de son vaisseau, de se mêler à ceux qu’il appelle bientôt « son peuple », et qui finissent par lui vouer un authentique culte. Amusé par la situation, Cooper se laisse prendre au jeu, surtout lorsque les Noviens commencent à lui apporter en offrandes diverses richesses : de la nourriture, bien sûr, et des vêtements, mais aussi des objets précieux, dont certains façonnés à même un platine d’une très grande pureté. En échange, Cooper leur fait part des préceptes de « sa » religion, un mélange de christo-révélationnisme et, bien entendu, de philosophie typiquement « cooperienne » où le moteur premier et la finalité de tout en ce bas monde demeure Tom Cooper lui-même. Afin d’étayer sa renommée, il lance son peuple dans des projets d’envergure afin, entre autres, de trouver les filons de platine affleurant à la surface du sol. Cependant, ses projets ne produisent pas toujours les effets escomptés, et il doit nécessairement puiser à même son propre fonds culturel afin d’expliquer les coups du sort. Sans scrupule, il pousse son peuple à des guerres de conquête afin de s’approprier des réserves toujours grandissantes du précieux métal, usant de son prestige et de faux-fuyants pour expliquer les milliers de morts. Un jour, jugeant sa fortune suffisante pour acheter n’importe quel juge terrien, Cooper annonce aux Noviens qu’il doit partir, car son « père » l’appelle auprès de lui. Ayant remis son vaisseau en état, il disparaît dans le firmament. Alors, sur Nova, la religion cooperienne connaît des schismes qui font se jeter les unes contre les autres les diverses factions, tandis que les moins entreprenants des Noviens implorent Cooper de revenir leur apporter la paix.
– Whaï Tu-Khe – Première publication : 1990 sous le titre Ax of God – Traduit de l’américain par Annie Tanz – 344 p. – 1997 – Rédigée sur le ton d’un texte sacré, cette oeuvre frappe par les artifices dont elle est émaillée et qui parviennent à « convertir » le lecteur le plus sceptique avec une redoutable efficacité. À la fois prosélyte et rébarbative, elle s’adresse bien plus à la tête qu’au coeur dans sa démarche critique.