Cadieux l’ébéniste
Maître Cadieux, ébéniste de son état, sort à grand-peine du deuil où l’a plongé le décès de sa femme. Tentant de recoller les morceaux épars de sa vie, il s’est péniblement remis au travail depuis peu et, sa famille constatant l’amélioration de son état, décide de lui retourner sa fille, qu’ils avaient gardée alors que son père était tout à fait incapable d’en prendre soin. À la grande surprise de Cadieux, alors que c’est une petite fille qu’il a vue partir, c’est une jeune femme qui lui revient. Elle aussi marquée par la mort de sa mère, elle a acquis une gravité et une maturité surprenantes pour son âge. Alors qu’il tente de se trouver en vain un apprenti, sa fille lui propose de remplir ce rôle. Phénomène assez rare à l’époque, il accepte autant par amour paternel que par paresse, étant donné qu’il n’a guère le coeur à former un compagnon assez peu au fait du métier, alors que sa fille l’a toujours suivi dans son atelier depuis qu’elle avait la capacité de tenir sur ses jambes. La qualité du travail de Cadieux, déjà célébrée avant son deuil, ainsi que l’étrange tableau qu’offre l’homme et la femme travaillant au coude-à-coude, fait en sorte que la réputation de l’atelier grandit, en même temps que les avoirs de la maison. Bientôt obligé d’engager des apprentis afin de suffire à la demande, Cadieux, en bon maître, laisse sa fille remplir le rôle de second. Or, un jour, l’intendant du comte vient visiter l’atelier afin de proposer à Cadieux la création d’un superbe retable de style flamand pour la chapelle du château. Invités au domaine, Cadieux et sa fille font la connaissance du maître des lieux, un jeune héritier encore au stade de l’apprentissage de la vie. Une fois engagés, le père et la fille se divisent le travail. Lui doit mener la préparation des pièces du retable dans l’atelier, et elle doit se charger de mener l’assemblage dans la chapelle. Ces travaux d’envergure suscitent un vif intérêt dans toute la contrée et, bien qu’ils avancent à grands pas, Cadieux remarque, au bout de quelques mois, que sa fille semble malade et alanguie. Malgré ses soins attentifs, elle ne semble pas prendre de mieux. Ce n’est qu’après la visite d’une guérisseuse que Cadieux apprend toute la vérité : sa fille est enceinte. Il déploie alors toute sa ruse afin de lui faire dire le nom du père. De guerre lasse, la fille lui avoue qu’il s’agit de nul autre que du comte. Outragé dans son honneur de père, Cadieux se présente au château afin de demander réparation, mais il est chassé comme un malappris. Indompté, il dénonce alors publiquement le comte qui, pour toute réponse, le fait jeter en prison. Apparemment soumis, Cadieux reprend son travail, mais le jour de l’inauguration du retable, sa vengeance éclate au grand jour.
– Bren Pouraki – 320 p. – 1993 – À l’aide d’une saisissante allégorie traitant du mal de vivre, l’auteur témoigne ici d’une maîtrise exceptionnelle de son art et également d’une compréhension sans égale de l’inconscient humain.