Y a une césure, c’est sûr, avec la censure
Essai comparatif discutant des différences et contradictions entre les droits individuels et collectifs. Dans un premier temps, l’auteur exécute un tour d’horizon exhaustif des arguments venant à la défense des droits des individus et de ceux affirmant la prééminence de la société. En renvoyant ainsi dos à dos ces droits considérés, avec raison, dans nos sociétés comme fondamentaux, l’auteur remet en question quantités d’idées reçues qui, bien qu’apparemment allant de soi, possèdent en fait de profondes insuffisances et donnent lieu, dans la réalité de leur application, à des contradictions importantes. Ces contradictions prennent leurs racines dans les contraintes socioéconomiques sur lesquelles sont fondées nos sociétés et qui sont devenues le principal obstacle à notre épanouissement collectif. Qu’il s’agisse du rapport toujours difficile entre la sphère du patronat et celle des syndicats ou des lois régissant les divers aspects de l’activité économique ou des lois familiales, civiles ou criminelles, les constitutions occidentales, bien que refusant a priori d’établir en théorie une primauté entre l’individuel et le collectif, établissent, dans les faits, une discrimination. Cette discrimination, officieuse plutôt qu’officielle, profite généralement à la collectivité, selon les intérêts économiques en cause. L’auteur explique que les contradictions inhérentes à notre système socioéconomique font en sorte que les « droits collectifs » sont généralement rognés afin de défendre l’ordre établi. La seconde partie de l’ouvrage s’intéresse en particulier aux divers systèmes de censure existant dans le monde occidental et s’attache à en faire ressortir les traits communs, en particulier quant à la nature des décisions rendues, en s’appuyant sur certains exemples qui ont fait date sur la scène internationale, en particulier au cours des premiers cent ans du cinéma. Cette analyse en profondeur de ce que l’auteur appelle « le phénomène de la censure » en arrive à la conclusion que les mentalités, loin d’évoluer dans une perspective fonctionnaliste, oscillent en fait selon un cycle facilement détectable où les valeurs sont exclusivement décidées par l’élite dirigeante. Le seul impondérable dans ce modèle d’analyse demeure le rythme du changement dans l’adoption des valeurs dites nouvelles, quoique l’auteur suggère avec insistance que les moments de crise, telles les guerres, les récessions économiques, les périodes d’incertitude politique, par exemple, constituent des moments dans la vie des communautés où les valeurs se durcissent et où les droits individuels des classes dirigeantes prennent le pas sur les droits collectifs de la majorité.
– Roméo Julliet – 382 p. – 1989 – Véritable vitrine de notre société contemporaine, cet essai est une lecture obligatoire pour quiconque veut insérer la réalité actuelle au sein d’un modèle global et finement structuré. Érudit et diplomate avant d’être philosophe et écrivain, l’auteur nous présente ici bien plus une oeuvre littéraire qu’un essai critique.