À quelle heure réglez-vous votre réveil ?
Essai mi-figue mi-raisin sur le monde contemporain tel qu’il apparaît vu sous l’égide du réveille-matin. Que ce soit dans sa symbolique même, dans son utilisation ou dans sa représentation, le réveille-matin, qui occupe une place prépondérante, prend, dans cette vision toute personnelle, une dimension très particulière. La question que pose l’auteur afin de bien situer le lecteur devant cet ouvrage assez unique est : « À quelle heure réglez-vous votre réveille-matin ? » L’auteur se livre à une analyse amusante selon que les gens règlent l’appareil avec quelques minutes d’avance, quelques minutes de retard, ou selon que le réveil appartient à des puristes qui ne peuvent souffrir qu’il ne soit pas à l’heure juste. À partir de cette catégorisation en apparence anodine, et des subdivisions qu’il constitue en utilisant des indicateurs simples, l’auteur dégage seize types d’individus qui entretiennent tous un rapport unique et caractéristique avec le réveille-matin. L’auteur se tourne ensuite vers le monde de l’art où il est obligé de constater que le réveil est sans doute l’objet contemporain le moins illustré dans les formes d’art qui se sont créées après son invention. Pratiquement absent, il apparaît parfois, le plus souvent sous des formes inusitées comme en font foi les montres molles de Dali, sous le pinceau de quelques grands maîtres contemporains. On le voit encore moins en sculpture et en danse et si, d’aventure il fait une apparition timide sur la scène, c’est le plus souvent uniquement comme appareil de bruitage. Dans les médias récents, il ne fait guère meilleure figure à la télévision où il est littéralement et systématiquement caché, même lorsque, dans certaines dramatiques, l’action se transporte dans la chambre à coucher. Il n’y a guère qu’au cinéma où le réveille-matin apparaît plus ou moins régulièrement. Là, il représente le second objet subissant le plus de mauvais traitements, après l’automobile. Sur le plan social, le réveille-matin est devenu, au fil des générations, le pôle vers lequel convergent les ressentiments de la plupart des gens qui déplorent la perte de liberté sans cesse croissante qui est devenue le lot des sociétés industrielles et postindustrielles. Le réveil est-il devenu un symbole d’ignominie ? Sans doute, répond l’auteur, et les nouvelles formes dont on veut l’affubler, au hasard des modes faciles par lesquelles passent pratiquement tous les objets, ne réussiront certainement pas à le réhabiliter en sa qualité de tortionnaire du petit matin.
– Rob Benson – Première publication : 1986 sous le titre Rise and Chime – Traduit du canadien par Annie Tanz – 418 p. – 1998 – S’agissant sans aucun doute du premier ouvrage à tenter de réhabiliter un des objets les plus détestés de notre environnement immédiat, cet essai, par son ton mordant, a une portée universelle. En considérant un simple objet, l’auteur, professeur de communication à la Simon Fraser University du Manitoba, fait ressortir tout le signifiant qu’il renferme, démontrant par là que, au-delà de l’utilité immédiate, n’importe quel objet peut devenir un témoignage de la civilisation qui l’a créé.