vendredi 31 décembre 2021

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Débine et Reviens


Un cynophile solitaire décide un jour de satisfaire sa passion et s’achète, à fort prix, deux chiens de race parfaitement identiques et de même sexe, car, habitant une grande agglomération, il ne peut se livrer à l’élevage. Afin de les différencier, il leur trouve des noms correspondant à leur caractère. L’un d’eux manifestant une totale indépendance, tandis que l’autre ne quitte pratiquement jamais son maître, il les nomme respectivement « Débine » et « Reviens ». Très tôt, cet homme, que la vie ennuie au plus haut point, commence à se trouver des points d’intérêt en compagnie de ses deux bêtes. Auparavant uniquement préoccupé de son travail, que d’ailleurs il trouve assommant, il commence à s’intéresser à quantité de choses. Il découvre peu à peu la beauté des jardins de sa ville ; il cherche les bouchers les moins chers et explore par le fait même des quartiers typiques qu’il ne connaissait pratiquement pas jusque-là ; il se lie d’amitié avec les commerçants à tel point qu’il fait connaissance de la coiffeuse de son quartier, qui partage la même passion pour les chiens que lui, et de cet intérêt commun naît une charmante idylle. Toutes ces nouveautés le distraient si bien qu’il en vient à négliger son travail. Après un temps, il finit par se retrouver au chômage. Malgré l’appui apporté par ses nouveaux amis, il arrive de plus en plus difficilement à subvenir à ses besoins et à ceux de Débine et Reviens. Malgré les avis de son entourage, il s’entête à garder auprès de lui les deux animaux qui lui ont apporté tant de bonheur, négligeant même de se nourrir et de se vêtir convenablement afin d’assurer au mieux l’entretien de ses bêtes. Malgré sa détermination, alors qu’il en est rendu à la toute dernière extrémité, il ne peut plus surseoir à l’inévitable : il doit se départir d’un de ses animaux au profit d’un éleveur qui le harcèle depuis un certain temps, véritable figure de la tentation. Mais son dilemme n’est pas résolu pour autant, car il n’arrive pas à choisir quelle bête pourra rester. Après une longue méditation où l’hésitation torturante vient bien prés de venir à bout de sa raison, il décide de vendre Reviens à l’éleveur dans l’espoir chimérique que l’animal, obéissant à ses instincts premiers et à son nom, finisse par retrouver le chemin de sa maison. Effectivement, l’un des animaux obéit à l’injonction qui est implicite dans son nom, mais il s’agit de Débine, qui s’enfuit. Au bout de quelques mois, alors que l’homme a pu refaire sa vie, il entend un grattement à la porte de sa maison en pleine nuit. Il se lève, le coeur battant, afin d’aller ouvrir. Lorsque la porte laisse entrer un chien, il reconnaît ce dernier : il s’agit de Reviens qui a retrouvé le chemin de sa maison et qui, selon toute évidence, attend une portée de chiots.


 – Basile Ébault – 320 p. – 1988 – Véritable plaidoyer pour la zoothérapie, ce roman met en scène des animaux dont le rôle polymorphe symbolise à la fois la recherche du bonheur et l’espoir en l’avenir. Oeuvre riche et touffue qui ne doit surtout pas être prise au premier niveau, on y dénote, même aux temps les plus noirs, une farouche joie de vivre.

jeudi 30 décembre 2021

Course à l’espace

 



Depuis la calamiteuse présidence de Donald Trompe, la nouvelle administration yankee cherche à réparer nombre de pots cassés. 


C’est ainsi que de difficiles discussions ont repris sur la question du nucléaire iranien. L’obstacle principal, ici, étant que Washington, en se retirant sans raison valable de l’ancien accord, a démontré à Téhéran que sa parole ne valait pas plus que sa signature. Aussi, les Stazunis doivent-ils, dans ce contexte particulier, convaincre de leur bonne foi, ce qui est déjà ardu en temps normal.


Entre-temps, les Iraniens ont lancé une fusée devant placer en orbite «trois appareils de recherche spatiale». Il n’en fallait pas plus pour que tout l’Occident ait ses vapeurs. En effet, qui dit «fusée» peut vouloir dire «missile» et ce dernier mot, alors qu’il est question de nucléaire, inquiète toutes les chancelleries inféodées à l’empire yankee.


Or, il est fort possible que, tout simplement, l’Iran ait décidé de se lancer dans la course à l’espace.


Celui de négociation.


mercredi 29 décembre 2021

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La cruche du détroit de Lancastre


Le détroit de Lancastre est le passage du nord-ouest que les explorateurs ont recherché en Amérique du Nord depuis les débuts de l’exploration du continent. La tradition veut que, au point central du détroit, sur l’une des rives, l’un des premiers navigateurs à y passer ait laissé là une énorme tourie dans laquelle les navires qui prennent le temps de s’y arrêter déposent un message. Maurice Bart est un capitaine de la marine française qui, après avoir combattu pendant les deux guerres, a été mis à la retraite pour raisons de santé. Acceptant mal ce repos forcé, il a obtenu, par le biais de faveurs spéciales, un poste de capitaine à bord d’un vieux cargo aux commandes duquel il traverse régulièrement l’océan Atlantique entre la France et les États-Unis. Marin exceptionnel, le capitaine Bart se double d’un polyglotte et d’un écrivain dont les oeuvres sont demeurées sans écho auprès des éditeurs. Alors que l’âge cette fois le contraint à envisager de trouver définitivement refuge sur la terre ferme, il apprend de l’armateur que son navire lui aussi est condamné à être retiré du service. Entrevoyant avec angoisse la fin de sa carrière, il se prépare pour un ultime voyage en mer. L’équipage perçoit chez lui des signes de nervosité au moment de l’appareillage, signes qui vont en se multipliant au cours de la traversée. Même si le voyage se déroule sans encombre véritable, le capitaine demeure irritable et méfiant, passant toujours plus de temps sur la passerelle, vérifiant et revérifiant sans cesse le cap, gardant un oeil sur les communications par radio. Un jour, l’officier en second réalise que le navire a changé son cap de l’ouest vers le nord-ouest. Bart prend sur lui de le rassurer et lui affirme que l’armateur lui a transmis l’ordre durant la nuit précédente de faire route selon les nouvelles coordonnées. Les jours passent et le doute s’installe au sein de l’équipage. N’ayant plus le choix, Bart doit expliquer qu’il veut être le premier homme à consigner le contenu de la cruche du détroit de Lancastre et d’en publier les textes pour les générations futures. Il soudoie les hommes et s’assure de leur collaboration pour mettre cap sur le détroit. Arrivé à destination, Bart recueille précieusement les rouleaux de papier, dont plusieurs, très anciens, s’effritent au toucher. Son travail lui prend toutes ses journées et, complètement absorbé, ne réalise pas que l’hiver approche et que le cargo risque fort de se retrouver emprisonné par la banquise. Alors que son travail s’achève, l’équipage décide de passer outre à ses ordres et d’appareiller. Seul contre tous, Bart abat l’officier en second, le seul homme, à part lui-même, capable de guider le navire hors du détroit sans danger.


 – Marin Delisle – 364 p. – 1991 – Emporté par le souffle des grandes aspirations humaines, et alimenté par des méditations oniriques arrachées au passé, ce roman prend toute son ampleur dès le moment où l’individu se trouve confronté à l’épreuve.

mardi 28 décembre 2021

Rengaine ta rengaine

 



Après la gabegie des masques, les recommandations contradictoires, la distanciation sociale, le confinement, le couvre-feu et cet incessant battage vaccinal, voici qu’on en apprend de bien bonnes.


De un, le fameux vaccin qui devait, dès 2021, enrayer la contagion et nous permettre – enfin – un retour à la normale, fonctionne moins bien que prévu, surtout contre les variants; en particulier l’omniprésent Omicron.


De deux, comme l’affirme mon pote Edmundo depuis le début de cette triste saga, il appert que la meilleure protection contre la Covid, en plus du vaccin, c’est d’attraper la maladie. Évidemment, comme les experts ne savent que dalle, on ignore si ce principe, pourtant évident, s’applique également à ceux qui, dans le passé, ont été asymptomatiques.


Bref, après pratiquement deux années passées à pédaler dans la semoule, les experts sont sur le point d’en arriver au constat qu’il faudrait peut-être tout simplement laisser le champ libre à la Covid-19 afin que la population s’immunise par elle-même, comme l’humanité le fait depuis ses débuts.


Une chose est certaine, le constat d’impuissance caractérisant nos décideurs en la matière finit par lasser; tout comme leurs recommandations vides de sens dont l’itération monotone sonne comme une rengaine de moins en moins supportable.


lundi 27 décembre 2021

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 Le Coutel étrillé


Dans un village breton du XVIIIe siècle, les paysans vivent dans des conditions difficiles. Non seulement la terre rend-elle mal depuis quelques années, mais la rapacité seigneuriale n’a jamais été aussi grande. Jean le Coutel, fils de paysan, est un gaillard qui, comme tous les jeunes de son âge, est hâbleur et ne cesse de prêcher à qui veut l’entendre de ce qu’il convient de faire avec un releveur d’impôts. Inévitablement, ce dernier finit par revenir dans le village. Il se plaît à diminuer les paysans, expliquant que s’il passe si tôt après les récoltes, c’est pour éviter que « Jacques Bonhomme (surnom autrefois attribué aux paysans) n’aille boire le produit de sa terre avant qu’il n’ait payé son dû ». Le mauvais mot écorche bien entendu au passage les susceptibilités des censitaires, qui ont la bonne idée de faire mine d’en rire. Mais Jean, encouragé par les fanfaronnades de sa suite, et houspillé par les honnêtes payeurs d’impôt, prend la mouche. La discussion s’envenime à tel point qu’il tire le grand couteau auquel il doit son surnom et en frappe le releveur qui, en dépit de son titre, reste par terre raide mort. Ayant désormais sa tête mise à prix, Jean devient un fugitif qui doit échapper à la justice tant seigneuriale que royale. En guise de punition pour une complicité qu’il n’a pas accordée, le village ploie maintenant sous un fardeau fiscal qui a doublé afin d’amasser le montant de la récompense devant être versé pour la capture de Jean. Sous une telle charge, le souvenir de Jean n’est certes pas vénéré et c’est avec une joie sourde que l’on accueille, au fil des saisons, les rumeurs voulant que l’on ait capturé le malandrin, sans que jamais personne ne réclame la récompense. Au bout de quelques années, alors que le courroux seigneurial s’est apaisé, un inconnu fait son apparition au village. Un homme de guerre, dit-il, qui recherche un pays où finir ses jours. L’inconnu, appelé maître Grégoire, se gagne graduellement l’estime et le respect de tout le village. Mais le souvenir du meurtre s’entête à remonter à la surface et, tout aussi sûrement, les villageois finissent par reconnaître en maître Grégoire nul autre que Jean le Coutel lui-même. La rumeur parvient aux oreilles du seigneur qui fait arrêter, juger et pendre Grégoire. Plusieurs années plus tard, alors que la Révolution a chassé le seigneur et remplacé l’autorité royale par celle de la toute jeune république, un nouveau releveur d’impôt fait son apparition. Mais lorsque le releveur s’installe à son banc sur la place du village, les plus vieux reconnaissent en lui, sans l’ombre d’un doute, Jean le Coutel, moins étrillé que d’aucuns ne l’avaient cru.


 – Noël Lepairre – 422 p. – 1991 – Ce roman est, des dires mêmes de l’auteur, le fruit d’une longue et patiente recherche dont le but était de cerner le plus précisément possible la vie rurale franco-bretonne du XVIIIe siècle. La précision de la reconstitution historique constitue sans doute l’ingrédient déterminant quant au succès de l’oeuvre.

samedi 25 décembre 2021

La confiance règne!

 


vendredi 24 décembre 2021

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Le Couteau aztèque


Symbole de la réussite, bardé de diplômes des institutions les plus prestigieuses en histoire, en anthropologie et en muséologie, Clarence est un homme aux prises avec les affres de la quarantaine. Ayant récemment émergé des séquelles particulièrement néfastes d’un divorce où il a dû se résoudre à se séparer des deux seuls êtres qu’il aime, son fils et sa fille, il s’est appliqué depuis peu à refaire sa vie. Assiégé par les doutes et par la peur de la mort, il ne sait trop à quoi rime son existence qu’il considère comme un échec sur toute la ligne. C’est pourquoi il s’explique assez mal pour quelle raison il a été choisi afin de remplir un poste de directeur de musée pour lequel il a présenté sa candidature à l’instigation d’un ami. Paradoxalement, c’est davantage par désoeuvrement qu’il se jette dans son travail, non pas tant pour se donner une raison de vivre – les satisfactions professionnelles ne le touchent plus guère – que parce qu’il ne se trouve rien d’autre à faire. Son arrivée en poste, outre qu’elle bouscule quelque peu les habitudes de l’institution, n’arrive pas pour autant à aider sa recherche de vérité. Bien au contraire, ses méthodes peu orthodoxes, au sein d’un milieu conservateur, l’amènent à se buter encore et toujours à l’incompréhension et à la mesquinerie de ses contemporains. Indifférent à leurs réactions, il semble planer au-dessus de son univers, intouchable et inaccessible aux sentiments humains les plus élémentaires. Sa décision de préparer une nouvelle exposition précolombienne ne fait qu’attiser les rancoeurs existant chez ses subordonnés à son endroit, et les rivalités qui les opposent les uns aux autres. Un matin, le gardien découvre dans la grande salle un des responsables du musée le coeur transpercé par un splendide couteau, un artefact indispensable des cérémonies sacrificielles aztèques. L’enquête policière bouleverse l’existence du musée alors que, malgré ses innombrables interventions, elle est incapable, dans un premier temps, de découvrir le coupable. Les tensions entre les membres du personnel sont exacerbées par la suspicion qui fait de chacun d’entre eux un suspect potentiel, aussi bien les hommes que les femmes. En outre, le gouvernement mexicain proteste avec véhémence contre le fait qu’un de ses plus précieux artefacts soit retenu comme pièce à conviction dans le cadre d’une enquête de meurtre, et menace de traîner le musée en cour. Mais, malgré tout cela, Clarence demeure imperturbable, en apparence tout au moins. Aussi peu concerné que jamais par le tour inattendu qu’ont pris les circonstances, il semble indifférent à ce qui l’entoure. Or, rien n’est plus faux, car sa vie se trouve effectivement chambardée par toute l’affaire lorsqu’il fait la connaissance de l’enquêteur qui mène le dossier, Margot, une séduisante quadragénaire.


 – Jacques Septe – 316 p. – 1989 – À la fois romanesque et romantique, cette oeuvre ne laisse rien au hasard. Pas le moindre détail qui ne soit chargé de sens. En effet, ni l’arme du crime ni les réactions de l’enquêteur ne sont laissées au hasard par un auteur au sommet de son art.

jeudi 23 décembre 2021

Épidémie de surprises

 


Allégeance entre engeances

 

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mercredi 22 décembre 2021

Eux au miroir

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Il est de notoriété publique que la Russie – et avant elle l’URSS – est une nation menaçante. J’en veux pour preuve sa dernière tentative afin de déstabiliser la situation en Europe orientale.


En effet, Moscou a présenté à Washington un projet de traité où elle propose de neutraliser les territoires sous leur influence afin de prévenir toute attaque aux dépens de l’autre, de limiter le déploiement de missiles et, surtout, de résoudre les différends exclusivement par la voie diplomatique.


En d’autres termes, les Russes entendent déclarer la paix aux Stazunis. Il n’en faut pas plus pour démontrer une bonne fois pour toutes leur caractère résolument agressif, n’est-ce pas?


Il ne vous est jamais venu à l’esprit que, peut-être, nous ne sommes pas du côté des «bons»? Je ne prétends pas que Russes, Chinois ou autres sont au-dessus de toute critique. Non, bien entendu. Mais il semble qu’ils ne soient pas les seuls «gros méchants» et que tous les reproches qui leur sont adressés puissent très bien s’appliquer à nous également.


Finalement, on ne peut dissiper l’impression qu’en les regardant, c’est comme fixer un miroir.



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Le contrebandier de contraventions


Roger est un itinérant dont l’occupation principale, semble-t-il, consiste à retirer des pare-brise des voitures stationnées en infraction les contraventions que les préposés y ont laissées. Si, au début, la chose pouvait paraître cocasse et relativement anodine, le procédé finit par excéder les automobilistes qui n’apprennent qu’avec un long retard qu’ils doivent des sommes parfois importantes à la municipalité. Aussi la police commence-t-elle à subir des pressions pour faire échec aux activités de Roger, surtout à partir du moment où un ami du maire finit par être la victime du clochard. L’inspecteur Yourcenar, la bête noire du service, se voit confier l’enquête que personne d’autre ne veut mener. En effet, le seul moyen d’approcher Roger et de le prendre sur le fait est évidemment de gagner sa confiance et de partager sa vie. C’est donc avec une mauvaise grâce mal dissimulée que Yourcenar entreprend son enquête. Ses premiers contacts avec le monde de l’itinérance ne se font pas sans heurts. Cependant, il découvre sous la surface de la pauvreté et de l’apparente déchéance une certaine fierté et même une joie de vivre qu’il n’aurait jamais soupçonnée auparavant. Il est pris en charge par un groupe de mendiants qui lui apprennent les rudiments de la survie dans la rue ; les bons trucs pour mendier ; où trouver de la nourriture gratuite ; comment s’assurer un minimum de confort matériel quand on doit transporter sa maison sur son dos. Élève doué, Yourcenar se prend au jeu, dédaignant parfois de rentrer coucher chez lui. Il finit par rencontrer le fameux Roger qui, d’ailleurs, ne fait aucun mystère de ses activités, annonçant même à qui veut l’entendre le fruit de ses récoltes quotidiennes. Prudemment, Yourcenar se lie d’amitié avec Roger, mais il n’arrive pas à comprendre pourquoi Roger agit ainsi. Intrigué, Yourcenar ne quitte plus son homme d’une semelle, négligeant de faire rapport à ses supérieurs, accompagnant même le clochard dans ses rondes pour se procurer ses précieuses contraventions. Lorsqu’il est reconnu par un policier alors qu’il s’enfuit avec des contraventions en poche, il est immédiatement convoqué par le commissariat. Accusé de négligence et de vol de documents officiels, ces dernières frasques, ajoutées à un dossier déjà assez bien garni, motivent son renvoi de la police. Rejeté par les siens, en particulier sa femme, il se retrouve du jour au lendemain sans un sou et à la rue. Qu’à cela ne tienne, il retourne chez ses nouveaux amis et leur raconte candidement son histoire. Même Roger s’amuse de la mésaventure et pardonne à Yourcenar ses agissements à son égard. Ce dernier, tout de même décontenancé, est pris sous l’aile de Roger qui l’emmène dans une cabane qu’il s’est construite dans un petit bois abandonné, une cabane aux murs tapissés de contraventions.


 – Ralph Faure – 218 p. – 1996 – La légende veut que l’auteur, afin de se « documenter », ait lui-même suivi le chemin de son héros et qu’il soit passé lui aussi à l’école de la rue et de la mendicité. Vérité ou mensonge, le résultat est plus que réussi.

mardi 21 décembre 2021

Le sans-génie

 



Le 24 décembre, on doit tenir des élections présidentielles en Libye, cette grande démocratie africaine dont la stabilité a été garantie par l’intervention étrangère, il y a quelques années.


L’un des candidats à ce scrutin n’est autre qu’Abdelhamid Dbeibah, l’actuel premier ministre, qui voudrait bien faire quelque chose de valable de sa vie. Officiellement, Abdelhamid, en plus d’être un candidat à la probité indiscutable, bien entendu, affirme avoir décroché une maîtrise – un «master», comme disent les Français – en génie civil à l’Université de Toronto.


Déjà, combiner «génie» et Toronto étonne, mais la surprise ne s’arrête pas là. En effet, il n’existe aucune indication dans les archives de l’université attestant qu’un Abdelhamid Dbeibah ait jamais gradué de l’institution. Pas en génie, en tout cas.


Peut-être êtes-vous en train de vous récrier devant une telle imposture. Il ne faut pas! En effet, les trois principaux candidats à l’élection traînent tous des casseroles – comme disent les Français – et, quoique cela a entraîné des remous dans l’opinion publique, l’ensemble du corps électoral s’en accommode fort bien.


De toute façon, quel que soit le vainqueur, selon les experts, il semble d’ores et déjà acquis que les hostilités vont à nouveau déchirer le pays au lendemain d’une élection dont les résultats seront certainement contestés.


Bref, le sans-génie n’est pas seul.

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lundi 20 décembre 2021

Os, ô beaucoup!

 



Nouvelle crise en développement à l’horizon de l’économie mondiale: l’inflation. Vous savez, cette terrible situation qui, au cours des années 1970, a donné tellement de maux de tête aux économistes et aux capitaines d’industrie, lesquels en sont bien souvent également les chevaliers.


L’inflation est la hausse constante des prix. On sait que ces derniers augmentent toujours; il n’y a qu’à regarder le panier d’épicerie. Mais lorsque cette hausse est trop rapide ou trop accentuée (par exemple 5 % et plus), il appert que cela pose un problème majeur. Remarquez, si l’inflation ne touchait que les prix à la consommation, les experts s’en plaindraient probablement moins.


Mais là où le bât va blesser douloureusement, c’est dans les moyens qui seront déployés afin de la combattre. Première mesure facile: la hausse des taux d’intérêt, ce qui a pour effet de ralentir la circulation du capital et, ainsi, prévenir la surchauffe de l’activité économique. Deuxième mesure facile: le gel des salaires, car les salaires sont les seuls frais de production qui peuvent être comprimés, dixit Le Capital de Marx qui n’a pas toujours tort, tant s’en faut.


Bref, si vous êtes un travailleur et que vous avez des dettes, comme une hypothèque ou des emprunts à rembourser, vous allez écoper des deux manières: il vous en coûtera plus cher pour vivre à cause des taux d’intérêt augmentés et vous gagnerez relativement moins d’argent, lorsqu’on aura fixé les salaires.


En d’autres termes, vous l’aurez dans l’os en tombant dessus.


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Conster nation


Peter « Pater » Conster est un évangéliste au passé plutôt trouble, dont on se sait pas grand-chose, sinon qu’il s’applique à le voiler le plus possible. Officiellement, selon les préceptes de sa communauté d’intégristes chrétiens, il est originaire d’une famille pauvre de l’Alabama. Au début des années 1970, alors qu’il n’arrive pas à gagner sa vie, il « monte » dans la capitale de l’État. C’est là qu’il est confronté à la misère, tant matérielle que morale, de ses concitoyens et qu’il reçoit l’appel du Seigneur. Il se lie alors aux groupes évangéliques et, au grand scandale des conservateurs, il est le premier à faire la promotion active de l’égalité entre Noirs et Blancs au sein de ces groupes. Littéralement ostracisé, il décide, sans pour autant avoir été ordonné, de fonder la communauté évangélique de Little Rock. Ses talents manifestes d’orateur le rendent rapidement populaire et les foules se pressent pour l’entendre. Cet engouement ne fait que croître lorsque la rumeur lui attribue des miracles, ou à tout le moins des guérisons spectaculaires. Son prestige personnel devient alors si grand qu’il éclipse en partie le message biblique. Cependant, dans les coulisses, le révérend Conster ne mène peut-être pas une vie en plein accord avec son enseignement, mais ses critiques sont impitoyablement étouffés, au propre s’il faut en croire des rumeurs qui courent. Mais sa renommée, qui a franchi les frontières, ne se dément pas. Graduellement, son message évangélique se radicalise. Il commence à prôner une sorte de retour à la terre pour l’ensemble de la population, assorti d’une structure politique résolument théocratique. Devenue une force politique incontournable de l’échiquier états-unien, la « Conster nation » n’hésite plus à réclamer le nettoyage des moeurs politiques du pays en appelant ouvertement à l’assassinat. Lorsque certains exaltés décident de passer à l’action, le révérend Conster met le gouvernement au défi de venir l’arrêter dans sa forteresse de Little Rock. Alors que les instances judiciaires font traîner le dossier, Peter « Pater » Conster meurt, officiellement d’une embolie, quoiqu’aucun médecin extérieur à la « Nation » n’ait pu voir son dossier et encore moins examiner la dépouille. Des funérailles grandioses lui sont préparées, qui culminent en une vigile impliquant des millions de fidèles partout aux États-Unis. Le gouvernement américain ne sait comment réagir devant une telle manifestation, surtout à partir du moment où la rumeur veut que le révérend soit ressuscité, tandis que les fidèles ne demandent qu’à croire en cette résurrection considérée comme l’ultime miracle d’un saint homme. 


 – Ann Hanna – Première publication : 1993 sous le titre Conster Nation – Traduit de l’anglais par Annie Tanz – 334 p. – 1998 – Percutant politique-fiction à saveur religieuse, ce roman a connu une ferveur assez étonnante alors que des groupes religieux se sont formés spontanément en Alaska pour suivre les préceptes du révérend Conster !

dimanche 19 décembre 2021

Nouveau et amélioré*

 




* Bin non... C'est comme Noël: c'est toujours la même arnaque.

vendredi 17 décembre 2021

Île Boris


 

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Les clés du pouvoir sont sous le paillasson


Un individu simplet se retrouve, à la suite d’un concours de circonstances, à la présidence de la République. Son élection est due aux intrigues d’un ministre influent qui désire à la fois se débarrasser du président en poste et prouver à l’ensemble de la classe politique française que rien ne résiste à son génie. Le début du septennat se déroule assez rondement, mais les premières lézardes se manifestent dès qu’une visite officielle amène à Paris le premier ministre d’un pays africain, ancienne colonie française. Le visiteur est accompagné par sa fille, une jeune femme d’une troublante beauté et à l’absence de scrupules encore plus frappante. Sous le charme de la jeune personne, le nouveau président vient bien près de révéler quelques secrets militaires, y compris les plans complets de la base navale de la péninsule de Crozon. L’affaire, qui a failli tourner très mal, est maquillée par le ministre véreux en tentative de rapprochement entre l’ancienne métropole et les pays d’Afrique noire. Du jour au lendemain, la France gagne dans ce continent une grande renommée. Enhardi par ce qu’il considère un fin sens politique, celui qu’on surnomme déjà le « Coluche de l’Élysée » décide de mettre fin au chômage, ce qu’il réalise en l’espace de quelques semaines au détriment, et au grand dam, des grandes, moyennes et petites sociétés nationales et étrangères. En secret, et ce avec la complicité du ministre véreux, de puissants intérêts décident de se débarrasser de ce président trop efficace. Ayant saisi par hasard une conversation dans un couloir de l’Élysée, une jeune attachée de presse se jette aux pieds du président, feignant un malaise, lors d’une réception officielle. Celui-ci la porte dans ses bras jusque dans un salon particulier tandis que l’assassin l’attend dans les jardins. L’attentat ayant ainsi échoué, la jeune femme met le président au courant du danger qui le menace sans pour autant pouvoir identifier les conjurés qu’elle n’a pas vus. Devenue une habituée de l’Élysée, elle fréquente de plus en plus les réunions du président, dont elle devient la confidente, se mettant à la fois dans l’embarras auprès du conseil des ministres qui voit d’un mauvais oeil la présence d’une journaliste si près des arcanes du pouvoir, mais également auprès de la direction de son journal auquel elle ne raconte rien de ce qui se trame dans les coulisses de la république. Un jour, elle reconnaît la voix du ministre qu’elle identifie dans le même couloir où les intonations deviennent facilement reconnaissables à cause d’un effet d’écho particulier. Le ministre et les conjurés sont arrêtés. Après leur retour de la mairie où le président et la journaliste ont scellé leur union, l’huissier ne trouve plus les clés afin de les faire entrer à l’Élysée. Le président soulève le paillasson et exhibe fièrement sa propre clé.


 – Reine Aubrel – 364 p. – 1995 – Ce roman a été tiré, avec beaucoup de bonheur, d’un scénario de film pour lequel avait été pressenti le regretté Coluche peu de temps avant son décès. C’est avec beaucoup de plaisir que l’on retrouve ici la candeur bonasse de ce grand comique.


jeudi 16 décembre 2021

Les poissons du poison

 



Dans un admirable élan de générosité typiquement cAnadien, la ville de Brampton, en Ontario, a décidé de poser un geste significatif afin de lutter contre la loi 21 adoptée, au Québec, en 2019. Bref, Brampton se mêle de ce qui ne la regarde pas.


Au demeurant, qu’est-ce que la loi 21? C’est une législation qui déclare que «l’État du Québec est laïc», de sorte que les services gouvernementaux, et ceux qui les dispensent, ne doivent arborer aucun signe religieux. 


Inutile de préciser que cela a été contesté de part et d’autre, en particulier sous couvert de «wokisme», le nouveau terme désignant l’ouverture d’esprit. Les personnes qui invoquent ladite ouverture afin d’abolir la loi 21 semblent oublier que les religions ne sont certes pas des parangons de tolérance, comme on a pu le constater au fil de l’histoire; et aussi de l’actualité. En autant que l’esprit – fût-il ouvert ou fermé – soit concerné, les religions se sont avérées plus toxiques que bienfaisantes. Mais qu’à cela ne tienne, il se trouve toujours des bien-pensants acharnés à se doter d’une bonne conscience de façade.


À ce propos, revenons-en à Brampton. Combien la municipalité a-t-elle versé pour protéger le caractère francophone de l’Hôpital Montfort, ou celui de l’Université Laurentienne, en Ontario? Bref, que fait Brampton lorsqu’elle est confrontée à une véritable injustice qui la regarde de près?


mercredi 15 décembre 2021

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Les clairons mal embouchés


Au cours de la Première Guerre mondiale, de jeunes recrues suivent une formation de musiciens militaires. Au fil des semaines, ils doivent se plier à un entraînement particulièrement dur, dont les leçons de musique ne sont pas les moins pénibles. Quelques-uns, possédant déjà des rudiments, prennent plaisir tout au moins aux cours de solfège et au maniement des instruments. Les plus talentueux sont paradoxalement les rares jeunes gens issus des classes populaires. Pour les autres, qui n’ont dû leur assignation qu’à leurs relations, l’apprentissage de la musique auprès d’un capitaine particulièrement intransigeant devient une expérience hautement désagréable. Habitués à leurs privilèges, incapables du moindre effort de concentration, peu habitués à quelque forme de travail que ce soit, les jeunes bourgeois goûtent pour la première fois de leur vie aux avanies que connaissent d’ordinaire les moins fortunés. Les tensions se développent et se cristallisent autour de la rivalité mettant en présence deux des fortes têtes de l’unité : Ladurie, le chef des « boutonnés », surnommé « Bol d’or » par ses camarades à cause de son père, important négociant en or fin pour les bijouteries de la capitale, et « Blitte », fils tardif d’un métallo vétéran de la Commune de Paris, qui, pour sa part, dirige les « guenilles ». Alors que leur formation approche de son terme, on apprend qu’une moitié de l’effectif sera effectivement versée dans les différentes fanfares militaires, tandis que le reste de la troupe sera envoyé aux tranchées. Anticipant l’effet de la nouvelle, le colonel commandant l’académie décide de s’en remettre au volontariat avant de régler la question. Dès lors, le conflit entre les deux groupes, encore relativement larvé, éclate en quelque sorte au grand jour. Les cadets commencent à se vouer une haine féroce d’un groupe à l’autre jusqu’à ce que, un soir de permission, une rixe éclate et que trois cadets, du groupe de Bol d’or, soient emmenés sur une civière. Le scandale frappe alors l’académie de plein fouet et les cadets se retrouvent tous assignés à servir dans les tranchées en guise de punition. Alors que les recrues commencent à recevoir leur barda de guerrier, les hommes de Blitte apprennent que « les parents des gosses de riches » ont fait jouer leurs influences afin d’éviter que leur progéniture ne se retrouve en première ligne. D’abord incrédules, ils sont outrés par l’injustice de la situation alors que les moins doués vont se retrouver versés dans les fanfares. D’un commun accord, et à la suite d’un serment pris en secret et à la lueur des bougies, les « guenilles » s’équipent et, à la baïonnette, massacrent en silence tous leurs camarades pendant leur sommeil. Le lendemain, dans la cour de la caserne, Blitte, au clairon, entonne l’appel aux morts.


 – Hubert Allesse – 402 p. – 1988 – Récit noir et dur qui revendique avec force, et ce, au-delà de toutes les contradictions sous-jacentes, les droits les plus élémentaires de la condition humaine. Nulle part ailleurs l’expression « les damnés de la terre » n’aura pris tout son sens.


Hoquet de hockey, OK?

 


mardi 14 décembre 2021

Marguerite blette

 



On se souviendra que Mme Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, a été terrassée par une attaque inopinée d’épuisement professionnel peu après le début de l’enquête de la coroner Géhane Kamel concernant les décès en CHSLD lors de la première vague de Covid.


Il appert que Mme Kamel aurait quelques questions à lui poser relativement à la gestion de la ministre, aussi est-il fortuit que Mme Blais se soit rétablie suffisamment pour déposer dans le cadre de l’enquête. Cela est d’autant plus opportun que la pression s'accroît de jour en jour sur le gouvernement de M. François le Gault* afin que toute la lumière soit faite sur l’affaire.


Le rétablissement progressif de Mme Blais est donc une coïncidence d’autant plus heureuse dans le contexte. Connaissant sa très grande compétence en toutes circonstances, il est à espérer que la ministre saura rasséréner la population quant à l’inégalable expertise du gouvernement dans la gestion de la crise sanitaire.






* Le gault, ou argile de Gault (dite parfois «argile albienne»), est une formation d’argile raide de teinte gris-bleu à gris foncé, qui s'est déposée à profondeur moyenne dans des eaux marines calmes, au cours du Crétacé inférieur. [… Il] contient souvent des nodules phosphatiques en grande quantité, dont une partie est classée comme coprolithes, c’est-à-dire un excrément minéralisé, fossilisé (https://fr.wikipedia.org/wiki/Argile_du_Gault).


lundi 13 décembre 2021

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Le chien fait sa niche


Basile est un jeune garçon de seize ans. Adopté dès la naissance par la famille Arcand, il n’a jamais connu ses parents. On a chuchoté, dans le pays, qu’il était le fils naturel d’une des domestiques de la maison, mais la chose n’a jamais été prouvée. La famille est présentée avec une verve toute spéciale par Basile lui-même, qui, au fil des pages, décrit les siens à son chien avec une affection très sincère. Cependant, tandis que les compliments pleuvent sur les têtes bourgeoises, le lecteur réalise peu à peu que Basile n’est guère mieux traité que le chien auquel il s’adresse dans le secret de la remise. Basile coule des jours heureux alors qu’il travaille sans relâche pour assurer la tranquillité d’esprit et le confort matériel de la famille, dont les attitudes à son égard varient de l’indifférence narquoise de la cadette jusqu’au mépris presque avoué du fils aîné, en passant par la condescendance bienveillante des parents et la fourberie mesquine de l’oncle. Dans ce paradis aux fruits empoisonnés, la vie pourrait effectivement se poursuivre sans anicroche. Mais voilà qu’un été, la maison voisine est louée pour les vacances par une famille de la ville, des gens aisés eux aussi, ayant comme seule enfant une fille un peu garçonne au caractère frondeur. Si l’amitié entre Basile et Annie ne s’élabore que difficilement, c’est surtout que le père a mis en garde son fils adoptif contre cette fille un peu trop délurée pour être recommandable. Aussi n’est-ce qu’avec difficulté que les liens se nouent entre les deux jeunes. Mais une fois que la confiance s’installe, Annie est stupéfaite d’apprendre quel sort est celui de Basile et elle met en jeu sa fragile crédibilité afin de dessiller les yeux de son ami. Les choses ne vont pas aussi facilement qu’elle l’aurait prévu, car Basile n’arrive qu’avec difficulté à admettre son état de quasi-servitude. Ses hésitations, magnifiquement rendues au cours de ses monologues avec le chien, témoignent d’une véritable prise de conscience. À la fin, alors qu’Annie a réussi l’initiation de Basile à la désobéissance et que, devant cette révolution en miniature, les lézardes éclatent au grand jour au sein de la famille Arcand, Basile doit se préparer à une ultime épreuve alors que l’été touche à sa fin et que Annie lui annonce qu’elle fera de lui un homme en guise de cadeau d’adieu. Mais voilà que la famille décide de reprendre son rejeton adopté en main et que, même auprès de son ami canin, Basile sent monter une vague désapprobation.


 – Paul Cadotte – 502 p. – 1991 – Ce roman se veut une amère et cinglante critique, tandis qu’elle devient, au fil des pages, une métaphore pour l’ensemble de nos sociétés contemporaines où l’étalage de bons sentiments ne sert qu’à s’assurer la docilité du plus grand nombre et où l’esprit dit philanthropique n’hésite pas à réprimer tout sursaut de libre pensée.


Charité chrétienne

 

Et d’ailleurs, pourquoi les appelle-t-on des «aumôniers» ? Ce n’est tout de même pas pour les aumônes qu’ils distribuent…

samedi 11 décembre 2021

Justin rêve

 


vendredi 10 décembre 2021

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Le char des sots


En ex-Yougoslavie, les réfugiés tentent de rejoindre la Hongrie afin de se mettre à l’abri des combats. La famille Hradié, appartenant à l’ethnie serbe, ne possède pas de transport et la fatigue gagne rapidement les plus jeunes et les plus vieux sur les routes défoncées. Un matin, alors que les Hradié s’étaient trouvés la veille un abri dans une grange qu’ils croyaient abandonnée, ils découvrent avec stupeur que l’endroit était déjà occupé par deux autres familles, une de Bosniaques et l’autre de Croates. C’est avec méfiance que le groupe de réfugiés se toise pendant les ablutions matinales. Cependant, l’un d’eux découvre par hasard, dans un enclos retiré non loin de là un boeuf seul survivant de son troupeau, car il est entouré de cadavres de congénères. La grange recelant une charrette abandonnée de dimensions respectables, les trois familles décident d’y placer les plus faibles, ainsi que leur maigre avoir, et de se lancer sur les routes. Bien que tous soient conscients que, dans ces contrées, il importe peu de savoir quelle armée tient le terrain, puisque, de toute façon, le danger est omniprésent quelle que soit l’ethnie, il n’en demeure pas moins que la méfiance est de règle. Les tempéraments sont prompts à lancer des accusations lorsque des contrariétés surgissent. Cependant, l’instinct de conservation oblige les belligérants à se serrer les coudes et à étouffer leurs rancoeurs ancestrales devant le danger commun. Tandis que les trois familles jouent au chat et à la souris avec les combattants qui se disputent âprement la campagne et qu’elles tentent de faire avancer le plus rapidement possible leur lent moyen de transport, les jours passent et une trêve tacite s’installe au point où les familles partagent, en plus des peines, quelques-unes de leurs joies. Elles mettent en commun leur maigre pitance et, lorsque le grand-père Hradié se blesse en descendant de la charrette au cours d’une alerte aérienne, c’est le chef de la famille bosniaque qui le porte sur son dos afin de le mettre en sécurité auprès des siens. Dans ce climat de détente, une idylle point entre la fille Hradié, une adolescente d’une quinzaine d’années un peu trop dégourdie pour son propre bien, et l’aîné de la famille croate, un solide gaillard d’une vingtaine d’années. Le plus jeune des Bosniaques, un garçon de treize ans, qui s’était épris de la fille Hradié, surprend les amants dans un de leurs rares moments d’intimité. Malade de jalousie, le garçon court révéler ce qu’il a vu. Aussitôt, le ton monte entre les trois familles. Le conflit éclate ouvertement alors que le groupe se dispute le véhicule, cherchant à en rejeter les possessions des autres. Un blindé de l’ONU, croyant avoir affaire à une attaque de partisans, les fauche à la mitrailleuse.


 – Mega Laumann – Traduit du croate par Milosev Ytsch – 422 p. – 1997 – Hybride de la nef des fous et de Mère Courage, cette équipée hallucinante sur les chemins de la guerre et de l’absurdité frappe autant par l’horreur que l’on retrouve pulsant à chaque page que par l’indifférence qu’elle rencontre chez les protagonistes. Où est l’inhumanité ? Dans la guerre, ou chez ceux qui la font ?


mercredi 8 décembre 2021

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Ce doit être un membre du barreau : il est toujours en prison !


Un avocat en vue, dont l’étoile est à la hausse, est amené à plaider une cause routinière devant un tribunal de basse instance. À un moment, un échange un peu vif avec le magistrat dégénère en malentendu et l’avocat se retrouve accusé d’outrage au tribunal. Malgré ses protestations, il est emmené en cellule où il passe la nuit avant d’être transféré vers une véritable prison. Alors que son univers ne tient plus qu’aux visites que sa femme et sa famille lui font avec une réticence mal dissimulée, il fait la rencontre, dans ces lieux, de quelques-uns de ses anciens clients. Certains d’entre eux ont connu auprès d’autres plaideurs des fortunes moins enviables ; les autres purgent la peine que l’avocat n’a pu leur éviter. Anticipant à tort quelque manoeuvre afin de tirer vengeance de leur emprisonnement, l’avocat, alors que les visites des siens s’espacent insensiblement, se lie d’une certaine amitié avec ceux qu’il considérait auparavant comme des malfrats. Il apprend d’eux certains trucs afin de se ménager une vie de geôle un peu plus agréable et, s’il est témoin de certaines amours surprenantes, il n’en est pas moins renversé de constater le degré de respect dont il bénéficie. Une fois sa caution payée, il ne retourne plus à la prison, sinon pour parler avec ses clients, mais aussi pour revoir ses « amis ». Ce genre de relations, de par leur sérénité, contraste vivement avec la vie qui l’attend lorsqu’il rentre chez lui. À la maison, la distance s’est creusée entre lui et sa famille. Sa femme, d’abord, déjà très occupée par ailleurs, semble l’éviter carrément. Ses enfants, une adolescente et un jeune garçon, d’ordinaire si insolents s’enferment dans un mutisme entêté, même sous ses pires provocations. Mais c’est également le voisinage qui se défie de lui. Ses désillusions ne font que s’accroître lorsqu’il prend contact avec son avocat qui ne semble lui porter qu’un intérêt relatif, refusant même de tenir compte de ses conseils, ou même de prendre son bien-être en considération. De plus en plus irrité par les lenteurs et, surtout, les exactions, de ce qu’il considère comme une accusation inique, le caractère de l’avocat commence à changer. Il devient de plus en plus irritable et cassant envers son entourage, aussi le peu de sérénité familiale subsistant disparaît rapidement. Lorsque son procès s’ouvre enfin, il constate que son représentant n’a pas du tout tenu compte du plaidoyer qu’il lui a suggéré. En plein tribunal, l’altercation éclate entre les deux avocats. Renvoyé en prison, il constate que ses amis ont tous été libérés sur parole. 


 – Claire Nhu – 300 p. – 1990 – Fable élaborée sur le thème de l’arroseur arrosé, ce roman donne un autre son de cloche quant au monde feutré et hypocrite de la justice. La grande originalité de l’oeuvre tient à ce que, plutôt que de voir ce monde inquiétant du point de vue du système ou de celui de l’accusé, l’auteur a imaginé une situation permettant d’aborder la question de manière neutre et objective. La chose est parfaitement réussie, mais le système judiciaire n’y gagne pas une réputation enviable.