Et s'il ne fonctionne pas, on pourra toujours l'envoyer en orbite lui aussi.
Les pains tardent
Dans la foulée de la chute du mur de Berlin et de celle du socialisme en Europe, il semble que soit venu le temps des bilans. En prenant pour point de départ la propagande occidentale tout au cours de la guerre froide, l’auteur résume celle-ci au concept suivant. Le contexte d’affrontement, généré par l’opposition entre socialisme et capitalisme, a créé une véritable incertitude économique, ce qui a entraîné en retour une relative paupérisation de la classe ouvrière. Ainsi donc, la chute du mur de Berlin a suscité d’immenses espoirs, tant à l’Est qu’à l’Ouest, quoique pour des motifs différents. Si à l’Est, le motif a surtout été l’éventualité d’une plus grande liberté, à l’Ouest ce fut surtout l’augmentation du niveau de vie qui a séduit la classe ouvrière. Mais le passage à une économie de marché en Europe de l’Est n’a pas entraîné là-bas une meilleure qualité de vie. Au contraire, l’élimination implacable des industries moins performantes, qui demeuraient indispensables dans une économie planifiée pour leur faculté de générer de nombreux emplois, a acculé à la misère une part importante de la main-d’oeuvre. Le même phénomène s’est produit en Occident où, depuis la « victoire de la liberté », les conditions de vie des masses laborieuses, tant en Europe qu’en Amérique, se sont dégradées constamment. Parallèlement à l’effritement du pouvoir d’achat des travailleurs, les comptes rendus économiques rapportent, année après année, des profits records et une santé économique exceptionnelle. La prospérité issue de la guerre froide n’est donc pas un phénomène généralisé. Il s’agit en fait d’un enrichissement extrêmement restreint dans l’espace social. Alors que les classes laborieuses, des deux côtés de l’ancien rideau de fer, attendent avec une impatience croissante leur juste compensation pour les sacrifices qu’ils ont consentis, la propagande victorieuse du grand capital tente avec de moins en moins de succès de concilier les espoirs inspirés par le triomphe du libéralisme et la réalité actuelle. Le grand défi qui attend les sociétés industrialisées dans les années qui vont conclure la fin du siècle et, avec lui, du millénaire sera de développer un discours rassembleur où riches et pauvres trouveront des motifs pour travailler ensemble afin d’assurer leur prospérité respective et commune. Car, comme le note amèrement l’auteur, à quoi pouvait bien servir d’abolir un mur séparant deux mondes si ce n’était que pour en ériger un nouvel entre deux classes et, de cette manière, donner en définitive raison au discours des vaincus d’hier. Et l’auteur de fournir cette mise en garde aux décideurs : « Les vaincus d’hier ne sont-ils pas souvent les vainqueurs de demain ? »
– Noël Joued – 506 p. – 1997 – Sans doute le plus éclairé des essais portant sur l’après-socialisme, cette oeuvre, qui a remporté la Plume d’or à la foire du livre de Luxembourg, est devenu un incontournable, cité autant par les érudits que les gens d’affaires.
L’oeuf à schisme
Dans cet essai, l’auteur reprend de manière plus concise et moins théorique les grandes lignes de sa thèse de doctorat d’État déposée au printemps 1986 à Paris V. Professeur émérite en psychosociologie, il présente ici une vue assez pessimiste des sociétés occidentales en cette fin de siècle. Prenant appui sur l’expérience individuelle, il la renvoie dos à dos avec la réalité collective. Entre ces deux niveaux d’existence de l’humain, il découvre de profondes failles génératrices d’aliénation. En effet, l’expérience individuelle, selon son postulat, est invariablement, à travers toutes les sociétés et toute l’histoire, le microcosme de la réalité collective. En d’autres termes, l’individu est en quelque sorte l’oeuf fertile d’où émergent les schèmes de réflexion et les concepts guidant l’évolution des sociétés. En perpétuelle rétroaction avec l’inconscient collectif, l’expérience individuelle, en tant que moteur, est toujours contrôlée – « monitorée », selon le néologisme créé par l’auteur – par la classe dominante. À cet effet, l’exemple soviétique, pas plus que les anciennes sociétés aristocratiques et monarchiques, ne fait pas exception. Ce contrôle est double. D’une part, l’élite s’astreint à développer des discours selon les besoins et les circonstances afin d’assurer sa prééminence sur l’ensemble de la société, prééminence qui, pour être efficace, ne peut pas se limiter à l’économie. L’exemple le plus percutant que propose l’auteur est celui du Canada où, depuis quelques années, le discours est progressivement axé par le monde politique sur le remboursement de la dette nationale, aux dépens des autres enjeux. D’autre part, la classe dominante tente également de diriger le discours. Or, et ici les exemples ne manquent pas, il est très difficile de doser la portée des interventions des différents éléments de la société. Si le plus souvent l’exagération est de mise lorsqu’il s’agit de rediriger le discours, comme a pu le démontrer le passage, en Occident, de la tendance progressiste et collective vers le parti-pris conservateur et individualiste, cette approche peut susciter de dangereux dérapages. Évidemment, la conjoncture, qui échappe en bonne partie au contrôle de la classe dirigeante, joue pour beaucoup dans le changement de cap des valeurs embrassées par les collectivités. Alors que, tout au long de la décennie 1980, les élites occidentales ont entamé le coup de barre, la désaffection populaire à l’égard de la « gauche » a en quelque sorte emballé le discours conservateur. Désormais, par un effet de retour de balancier décuplé, l’expérience individuelle, génératrice de la réalité collective, oscille de plus en plus près de l’extrême droite. L’oeuf fécond risque à tout moment de donner naissance à une nouvelle forme d’État totalitaire.
– François Cara – 318 p. – 1998 – Essai étoffé et admirablement documenté qui s’affranchit totalement du jargon élitiste et universitaire.
La cheuffe du Parti libéral du Québec (PLiQ), Mme Dominique Anglade déplore le «recul des femmes». Venant d'une personne qui, en tant que femme et leader politique, peut aspirer au poste de premier ministre, il est tout de même douteux de considérer cela comme un «recul», tout au moins sur le plan symbolique.
Il est vrai qu'une hirondelle ne fait pas le printemps et que l'avènement d'une parvenue ne signifie nullement que les chances sont égales pour toutes.
Il est encore plus vrai que, compte tenu du bilan de sa formation politique au fil des décennies, Mme Anglade, en faisant allusion à un recul, évoquait peut-être davantage le repli que consisterait un retour au pouvoir du PLiQ.
Moi, c’est Latran, Pauline !
Il s’agit en fait d’un essai autobiographique écrit par Pauline Latran, cette grande dame du monde journalistique, qui a marqué la seconde moitié du siècle. À une époque, intime et confidente des dirigeants des deux côtés du rideau de fer, elle a su, par sa rigueur et son honnêteté, gagner la confiance des grands de ce monde, tout en demeurant au contact des plus humbles. Femme de lettres d’abord et avant tout, « plus que de chiffres » dira-t-elle un jour, elle s’est d’abord fait connaître en France aux moments les plus cruciaux de l’immédiat après-guerre. Femme de principes autant que de contraste, Pauline Latran, communiste de la première heure, appuyait malgré tout, par ses écrits, les politiques gaullistes afin de lutter plus efficacement contre l’impérialisme tant américain que soviétique, et de réformer la « quatrième [république] qui s’engage comme la troisième ». D’origine bourgeoise, elle a toujours échappé aux influences jacobines et centralisatrices de la France républicaine. Son père étant verrier à Provins, elle s’est très rapidement familiarisée avec le monde des affaires, pour lequel elle n’a jamais ressenti de profondes affinités, tandis qu’elle entamait des études littéraires. Celles-ci ayant été interrompues par la guerre, puis par l’Occupation, Pauline Latran a alors engagé son cheminement politique de façon très précoce. Membre de la France de la Résistance dès 1941, elle a réussi à s’imposer dans ce milieu tant par la clarté de son esprit que par la pertinence de ses écrits, toujours incisifs et cohérents. C’est dans le maquis qu’elle fait la connaissance du « camarade Renaud », ancien cadre du parti. Cette idylle avec Sébastien DuPeyre durera plus de dix ans. Cette décennie sera d’ailleurs cruciale pour la carrière journalistique de Pauline Latran, DuPeyre la fera entrer avec lui d’abord à L’Humanité, puis, toujours ensemble, ils s’affranchiront des politiques éditoriales pour devenir le couple de francs-tireurs le plus en vogue de la presse française. Leur rupture, au début des années 1960 incitera Mme Latran, alors âgée de trente-trois ans, à se tourner vers le journalisme international. De la construction du mur de Berlin à sa chute, en passant par toutes les grandes crises internationales, pas une revue sérieuse, en France ou à l’étranger, qui ne publie au moins un article de Pauline Latran. Encore active et décidée, elle rédige présentement une série d’articles sur la crise de l’ex-Yougoslavie avant de prendre une semi-retraite qu’elle partage aujourd’hui, ironiquement, avec son ami et amant d’autrefois Sébastien DuPeyre. Femme de parole et d’action, femme fidèle et engagée, « féminine alors qu’elle aurait dû être masculine », Pauline Latran profite de cet essai afin de régler de vieux comptes, dont plusieurs remontent maintenant à près d’un demi-siècle.
– Pauline Latran – 314 p. – 1998 – Lucide et engagé, cet essai a connu deux ans de succès ininterrompu dans les librairies parisiennes.
L'article ici (anglais seulement [comme ça, on sait que c'est bien meilleur]) |
La notion moderne de l'habeas corpus, cette liberté fondamentale interdisant la détention arbitraire d'une personne, trouve son origine en Angleterre, au Moyen-Âge.
C'est amusant de constater que, au XXIe siècle, les valeurs dont les Britanniques sont si fiers ont commencé à reculer sensiblement. En effet, lors des événements entourant les funérailles de l'ancienne monarque, il s'est trouvé des individus dans le pays qui ont houspillé la couronne, allant dans certains cas à remettre en question son existence.
Inutile de préciser que, contrairement à ce qui arrive à certains prédateurs sexuels reconnus dans ce pays, les arrestations n'ont pas tardé à mettre derrière les barreaux les contestataires aux penchants républicains.
À entendre leurs laudateurs, les valeurs de l'anglosphère sont toujours plus anciennes, plus égalitaires et plus respectueuses des droits de la personne que toutes les autres. L'avantage, dans cette situation, c'est qu'on peut alors les fouler aux pieds avec bonne conscience.