Le toxicomane poli
Marcel est un modeste employé au ministère du Revenu. Sa politesse excessive lui vaut bien plus de vexations que de prévenances. Mais il s’accommode de cette situation, considérant ce trait de caractère bien plus comme un aspect incontournable de sa personne que comme un simple défaut que l’on peut tenter de corriger. Cependant, en dépit des tracasseries mesquines de son entourage, il n’a pas encore bu son calice jusqu’à la lie. Un soir, en rentrant du travail à la même heure que d’habitude, il trouve sa femme au lit avec son courtier d’assurances. Trop courtois pour déranger les amants illicites, il quitte le foyer conjugal avec sa valise à moitié pleine, puisque la plupart de ses effets personnels se trouvent dans la chambre. Entamant des procédures de divorce, il s’en remet entièrement à son avocat, un personnage graveleux et mal dégrossi, qu’il n’ose contredire de peur de commettre un impair. Ce dernier lui recommande, afin de lui permettre de reprendre pied avant l’épreuve du procès, de suivre une thérapie de groupe. Marcel se retrouve donc entouré d’étrangers qui racontent ad nauseam leurs névroses ennuyeuses alors que lui n’ose jamais interrompre qui que ce soit, particulièrement lorsque l’étalage de niaiseries commence à le contrarier. Il remarque néanmoins, dans son groupe, une jeune femme de son âge qui ne semble pas non plus disposée à prendre part au déballage collectif. Après quelques réunions, ils engagent la conversation et Marcel découvre qu’Annie se présente aux réunions afin d’aider sa cure de désintoxication. Marcel, qui n’ose refuser, accepte une invitation de sa part et se retrouve chez elle. Mais, une fois sur place, il se rend compte qu’elle n’a pas invité que lui. En effet, une brochette de personnages aux allures discutables défile dans le petit appartement. Marcel constate avec stupeur que tous s’adonnent à l’une ou l’autre substance illégale. Trop courtois pour décliner, il s’adonne du bout des lèvres aux mêmes pratiques que ses compagnons. À partir de ce moment, il sombre avec une rapidité déconcertante dans l’enfer des drogues, essayant de trouver là une réponse que le reste de l’univers semble incapable de lui procurer. Lorsqu’arrive la date des préliminaires de son procès de divorce, le juge, comme le veut la coutume, implore les deux parties de tenter une réconciliation. L’épouse de Marcel, éplorée de constater les conséquences de son geste, affirme que son plus cher désir est de réintégrer le foyer conjugal. Marcel, par politesse, accepte de renouer. Contraint d’abandonner sa vie dissolue, il ne pense plus aux mois de perdition auxquels il s’est abandonné. Mais, un soir, il répond au téléphone et c’est la voix d’Annie, éplorée, qui chevrote à son oreille.
– Michel Honieu – 240 p. – 1997 – Grand maître du suspense, l’auteur se détourne avec bonheur du genre qui l’a si bien servi pour entrer de plain-pied dans le roman psychologique. Son habileté à créer des atmosphères lourdes le sert à merveille, mais il affirme ici un solide talent d’écrivain dont il possède toutes les qualités.