Au moment où Port-au-Prince commence à compter ses morts et à déblayer ses ruines, je me tourne vers Laferrière, vers la littérature, vers la fiction. Pas pour qu’elle me cache la réalité, au contraire. Pour qu’elle me la rende dans son essence. Vous allez me trouver obscène: pour qu’elle me la rende dans sa poésie. Cinquante mille morts? Cent mille morts? La poésie ne s’enfuit pas, elle est là, intimement mêlée à l’horreur, elle est là avec l’aube qui se lève...
La couleur un peu violette de l’aube donne une teinte assez étrange aux choses, mais c’est tout. Les mêmes crevasses vous obligent à faire attention en marchant pour ne pas tomber dans un trou d’eau verte. Le même chien jaune doit s’appuyer contre un mur pour japper à cause de son extrême maigreur. La même petite fille est en train de balayer la galerie de l’épicerie du coin.
Le soleil va taper dur, tout à l’heure, vous verrez.
Pays sans chapeau
Pierre Foglia, La Presse, 14 janvier 2010
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