J'étais un après-midi tranquillement à peindre, en tête à tête avec moi-même, quand le téléphone de la maison a sonné. Une fois, deux fois, trois fois. Je n'ai pas répondu. Je ne répond jamais. Je n'aime pas l'idée qu'on me réclame en faisant sonner un appareil, et que j'accoure pour savoir qui cela peut bien être. En général, j'attends un ou deux jours pour consulter les messages, histoire de laisser refroidir les urgences. Ce qui suffit à se rendre compte que bien des urgences n'en sont pas. Quand, comme moi, vous n'êtes attaché à quasiment personne, que peut-il bien se passer de si pressant ? Le portable n'a pas amélioré la communication entre les hommes, mais il a décuplé un irrépressible besoin d'être tenu au courant. C'est frappant, cette étrange fébrilité à vouloir être informé en temps réel. Et il est bien notoire que plus on veut savoir vite, moins on en sait au bout du compte. Pour reprendre de vieilles nomenclatures, notre civilisation abuse de signifiant pour masquer la disparition lente du signifié. Puis le téléphone a recommencé à sonner, sans discontinuer. J'ai fini par décrocher pour ne plus l'entendre.
Marc Dugain, En bas, les nuages, Flammarion, page 270
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Ambiance
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