lundi 31 octobre 2022

Catalogue

 


La cire Constance


« Pour un lustre constant, vive la cire Constance ». C’est avec ce slogan d’un autre âge que la fortune d’une famille s’est bâtie depuis le début du XXe siècle, par-delà les crises, les guerres et les conquêtes. Femme douce et pourtant assez autoritaire, la grand-tante Constance dont les parents avaient été ruinés au lendemain de la guerre franco-prussienne, avait, toute jeune, décroché un emploi de gouvernante. Pour tout héritage, elle possédait une recette d’encaustique à base de cire d’abeille qui assurait à toutes les surfaces, qu’elles soient en bois ou autre, un fini impeccable. Son travail de gouvernante l’ayant mise en contact avec des gens assez au fait du monde des affaires, elle avait commercialisé son produit et, grâce à lui, avait pu rendre à sa famille sa position d’antan. Mais les années ont passé, et si le fantôme de Constance continue de flotter dans le manoir qu’elle a tant contribué à faire briller, au propre comme au figuré, les revers de fortune se sont accumulés. Depuis la mauvaise mise en marché du produit jusqu’à la désaffection du public envers la cire, principalement à cause des nouvelles matières entrant dans la construction des maisons et l’assemblage des meubles, la famille est en passe de retourner à sa dèche originelle. Le seul remède que l’on a pu trouver à cette menace qui se profile a été de contracter un bon mariage pour la fille cadette, une belle jeune personne de vingt ans, dont le fiancé, et sa fortune, pourront sans problème prendre l’entreprise familiale à charge. Si le clan est restreint en nombre, il n’en va pas de même des ambitions de chacun de ses membres. En effet, la peur de la faillite annoncée a exacerbé les craintes de chacun. Aussi tous se croient-ils en droit de poser leurs propres conditions afin de faire de ce mariage un franc succès. Mais les intérêts divergents n’arrivent pas à créer l’harmonie qu’une telle occasion exige. Aussi, les discussions prennent-elles un ton acerbe où les membres de la famille s’accusent mutuellement d’avoir mené l’entreprise à la ruine. Alors que la tension est extrême, les beaux-parents et le futur époux font annoncer leur visite impromptue. Tandis que leur arrivée inopinée force la famille à restaurer un semblant de respectabilité, les couteaux volent bas alors que les échanges en apparence polis s’engagent avec les visiteurs. Pressés d’avancer leurs pions, les membres de la famille, sous l’oeil toujours consterné de Constance, tentent maladroitement de se faire bien voir par la future belle-famille. Bientôt excédés par cette atmosphère étouffante, les jeunes amoureux décident de fuir l’endroit alors que la querelle reprend de plus belle. Un crissement de pneus fait taire tout le monde et annonce un dénouement tragique.


 – Mathieu Faisse – 164 p. – 1992 – Cette pièce, à la fois critique sociale, pour son côté tragique, et histoire fantastique, puisqu’elle met en scène un fantôme, demeure un must de la production théâtrale européenne de notre fin de siècle.

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