La cruche du détroit de Lancastre
Le détroit de Lancastre est le passage du nord-ouest que les explorateurs ont recherché en Amérique du Nord depuis les débuts de l’exploration du continent. La tradition veut que, au point central du détroit, sur l’une des rives, l’un des premiers navigateurs à y passer ait laissé là une énorme tourie dans laquelle les navires qui prennent le temps de s’y arrêter déposent un message. Maurice Bart est un capitaine de la marine française qui, après avoir combattu pendant les deux guerres, a été mis à la retraite pour raisons de santé. Acceptant mal ce repos forcé, il a obtenu, par le biais de faveurs spéciales, un poste de capitaine à bord d’un vieux cargo aux commandes duquel il traverse régulièrement l’océan Atlantique entre la France et les États-Unis. Marin exceptionnel, le capitaine Bart se double d’un polyglotte et d’un écrivain dont les oeuvres sont demeurées sans écho auprès des éditeurs. Alors que l’âge cette fois le contraint à envisager de trouver définitivement refuge sur la terre ferme, il apprend de l’armateur que son navire lui aussi est condamné à être retiré du service. Entrevoyant avec angoisse la fin de sa carrière, il se prépare pour un ultime voyage en mer. L’équipage perçoit chez lui des signes de nervosité au moment de l’appareillage, signes qui vont en se multipliant au cours de la traversée. Même si le voyage se déroule sans encombre véritable, le capitaine demeure irritable et méfiant, passant toujours plus de temps sur la passerelle, vérifiant et revérifiant sans cesse le cap, gardant un oeil sur les communications par radio. Un jour, l’officier en second réalise que le navire a changé son cap de l’ouest vers le nord-ouest. Bart prend sur lui de le rassurer et lui affirme que l’armateur lui a transmis l’ordre durant la nuit précédente de faire route selon les nouvelles coordonnées. Les jours passent et le doute s’installe au sein de l’équipage. N’ayant plus le choix, Bart doit expliquer qu’il veut être le premier homme à consigner le contenu de la cruche du détroit de Lancastre et d’en publier les textes pour les générations futures. Il soudoie les hommes et s’assure de leur collaboration pour mettre cap sur le détroit. Arrivé à destination, Bart recueille précieusement les rouleaux de papier, dont plusieurs, très anciens, s’effritent au toucher. Son travail lui prend toutes ses journées et, complètement absorbé, ne réalise pas que l’hiver approche et que le cargo risque fort de se retrouver emprisonné par la banquise. Alors que son travail s’achève, l’équipage décide de passer outre à ses ordres et d’appareiller. Seul contre tous, Bart abat l’officier en second, le seul homme, à part lui-même, capable de guider le navire hors du détroit sans danger.
– Marin Delisle – 364 p. – 1991 – Emporté par le souffle des grandes aspirations humaines, et alimenté par des méditations oniriques arrachées au passé, ce roman prend toute son ampleur dès le moment où l’individu se trouve confronté à l’épreuve.
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