lundi 27 décembre 2021

Catalogue


 Le Coutel étrillé


Dans un village breton du XVIIIe siècle, les paysans vivent dans des conditions difficiles. Non seulement la terre rend-elle mal depuis quelques années, mais la rapacité seigneuriale n’a jamais été aussi grande. Jean le Coutel, fils de paysan, est un gaillard qui, comme tous les jeunes de son âge, est hâbleur et ne cesse de prêcher à qui veut l’entendre de ce qu’il convient de faire avec un releveur d’impôts. Inévitablement, ce dernier finit par revenir dans le village. Il se plaît à diminuer les paysans, expliquant que s’il passe si tôt après les récoltes, c’est pour éviter que « Jacques Bonhomme (surnom autrefois attribué aux paysans) n’aille boire le produit de sa terre avant qu’il n’ait payé son dû ». Le mauvais mot écorche bien entendu au passage les susceptibilités des censitaires, qui ont la bonne idée de faire mine d’en rire. Mais Jean, encouragé par les fanfaronnades de sa suite, et houspillé par les honnêtes payeurs d’impôt, prend la mouche. La discussion s’envenime à tel point qu’il tire le grand couteau auquel il doit son surnom et en frappe le releveur qui, en dépit de son titre, reste par terre raide mort. Ayant désormais sa tête mise à prix, Jean devient un fugitif qui doit échapper à la justice tant seigneuriale que royale. En guise de punition pour une complicité qu’il n’a pas accordée, le village ploie maintenant sous un fardeau fiscal qui a doublé afin d’amasser le montant de la récompense devant être versé pour la capture de Jean. Sous une telle charge, le souvenir de Jean n’est certes pas vénéré et c’est avec une joie sourde que l’on accueille, au fil des saisons, les rumeurs voulant que l’on ait capturé le malandrin, sans que jamais personne ne réclame la récompense. Au bout de quelques années, alors que le courroux seigneurial s’est apaisé, un inconnu fait son apparition au village. Un homme de guerre, dit-il, qui recherche un pays où finir ses jours. L’inconnu, appelé maître Grégoire, se gagne graduellement l’estime et le respect de tout le village. Mais le souvenir du meurtre s’entête à remonter à la surface et, tout aussi sûrement, les villageois finissent par reconnaître en maître Grégoire nul autre que Jean le Coutel lui-même. La rumeur parvient aux oreilles du seigneur qui fait arrêter, juger et pendre Grégoire. Plusieurs années plus tard, alors que la Révolution a chassé le seigneur et remplacé l’autorité royale par celle de la toute jeune république, un nouveau releveur d’impôt fait son apparition. Mais lorsque le releveur s’installe à son banc sur la place du village, les plus vieux reconnaissent en lui, sans l’ombre d’un doute, Jean le Coutel, moins étrillé que d’aucuns ne l’avaient cru.


 – Noël Lepairre – 422 p. – 1991 – Ce roman est, des dires mêmes de l’auteur, le fruit d’une longue et patiente recherche dont le but était de cerner le plus précisément possible la vie rurale franco-bretonne du XVIIIe siècle. La précision de la reconstitution historique constitue sans doute l’ingrédient déterminant quant au succès de l’oeuvre.

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