Outre à crachat
Dans un chalet de chasseurs, un angoissant huis clos s’ébauche. Il met en présence quatre hommes, qui d’ailleurs n’ont pas de nom, et qui s’enfoncent inexorablement dans le délire qui ne peut connaître qu’une fin tragique. L’aîné des quatre hommes, le mari, soupçonne qu’un de ses deux compagnons, son associé ou son ami de longue date, le trompe avec sa femme. Les trois compères ont été emmenés là par le guide, un jeune idéaliste qui, le seul, se rend compte de ce qui se passe. De retour d’une expédition aux alentours qui a duré la journée, les hommes harassés arrivent séparément. L’action de la pièce se cristallise alors exclusivement sur des dyades relationnelles, alors que jamais plus de deux comédiens ne sont mis en présence à la fois. Le jeune guide accueille d’abord le mari qui l’envoie à la recherche de son associé, peu de temps avant que son ami n’arrive au chalet. Le mari, véritable metteur en scène de la tragédie annoncée, manipule ses comparses avec une aisance désarmante alors que, sans méfiance, ils se livrent eux-mêmes, et trahissent sans le savoir des secrets qui risquent de leur être fatals. Dans un premier temps, le mari questionne son ami, tentant de le prendre en défaut. N’obtenant pas les réponses qu’il souhaite, il hausse le ton, doublant son interrogatoire à peine dissimulé de sarcasmes et d’insultes qui ne restent pas longtemps ignorées. Courroucé par l’attitude du mari, son comparse quitte le chalet en coup de vent, croisant dans l’entrée l’associé qui, sans le savoir, est vite exposé au même traitement. Mais, cette fois, les accusations sont plus directes et les sarcasmes plus décapants, menant alors inévitablement à la dispute entre les deux hommes. Le jeune guide qui arrive sur les entrefaites n’a que le temps de voir l’associé disparaître, alors qu’il se retrouve seul devant le mari. Celui-ci le prend en quelque sorte à témoin au cours d’un long monologue où il exprime son désarroi, sa déception devant le monde et sa vie. Puis, comme pris d’une inspiration subite, il raconte son plan qui ne vise rien de moins que de supprimer les deux autres. Afin de pousser ses victimes hors du chalet, il a décidé de souiller leur réserve d’eau, contenue dans une outre, et de tendre une embuscade près de la source. Terrifié, le jeune homme parvient à s’enfuir afin d’avertir les deux autres, ne doutant pas qu’il sera lui aussi victime de la machination. L’ami et l’associé, une fois le chalet vide, reviennent s’y installer afin de discuter de l’étrange attitude de leur comparse. Incapables de comprendre ce qui l’a poussé à les abreuver d’injures, ils constatent que la réserve d’eau a été gâtée. Entre-temps, le jeune guide, n’étant pas parvenu à avertir les deux hommes, a décidé d’empêcher le meurtre. Il n’a donc d’autre choix que d’abattre le meurtrier en puissance, ce qui lui vaudra d’être dénoncé à la police par les deux autres.
– Laurence Desmarais – 112 p. – 1991 – Cette pièce, qui a été traduite en plusieurs langues et qui a été remarquée au Festival de théâtre d’Avignon, prouve son originalité par sa rigoureuse structure et l’admirable discipline à laquelle s’astreint l’écriture.
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