vendredi 25 novembre 2022

Catalogue

 


Que ne gésîtes-vous où il me chut !


Pièce de théâtre mettant en scène un seul personnage qui évoque, dans le huis clos d’un décor opulent, les années passées en compagnie de sa femme. Henri de Coinville relate avec un détachement emprunté l’histoire de sa vie. D’abord jeune homme guindé et solitaire, laissé le plus souvent pour compte par la jeunesse aristocratique et bourgeoise de l’après-guerre, il ne se mêle qu’avec difficulté à l’ambiance survoltée d’une époque qu’il se plaît pourtant à regretter. Après un préambule où il campe essentiellement ses antécédents familiaux et l’origine de sa fortune, il raconte la première rencontre avec son épouse Émilie chez des amis. Ce n’est qu’au terme d’une cour laborieuse, dont les initiatives relèvent davantage de la jeune femme, que Henri finit par demander la main de sa future, avec le peu d’habileté qu’on lui devine. Le mariage s’est trouvé dès le premier abord entravé par l’omniprésence des parents de Henri, car, bien entendu, le jeune couple s’installe au château familial. Henri raconte avec émotion les premières années où sa jeune épouse tente, sans grande facilité, de s’adapter à ce mode de vie. Son calvaire ne connaîtra de fin que lorsque le maître des lieux décède. Henri prend désormais, non sans appréhension, les commandes du domaine familial. Tel que le veut la tradition, sa mère s’efface devant sa bru qui commence son rôle de maîtresse de maison. Ce ne sera qu’une fois installée dans ces nouvelles fonctions qu’Émilie, plus tout à fait une jeune mariée maintenant, attend son premier enfant. Cette grossesse ayant été difficile, ce n’est qu’avec beaucoup de réticence qu’elle accepte d’avoir un autre enfant. Les joies de la maternité la laissent totalement indifférente et seul le décès de sa belle-mère arrive à mettre un terme à l’animosité qui croît entre les deux femmes sur ce sujet. La neutralité de Henri sur cette question achève de faire péricliter un mariage dont les sentiments s’étaient envolés depuis quelque temps déjà. Graduellement, Henri et Émilie deviennent des étrangers l’un pour l’autre, à tel point que leurs aventures extra-conjugales les laisseront relativement froids, en apparence tout au moins. Leurs échanges, qui ne se départissent jamais d’une extrême correction, laissent couver un ressentiment réciproque. Mais, même lorsqu’ils s’adressent les pires traits devant leurs amis les plus proches, personne ne soupçonne cette guerre larvée qu’ils se livrent en sourdine. C’est ainsi qu’ils s’affrontent dans l’arène exiguë de leur cercle d’amis au sujet des avatars que connaît leur vie, au fil des successions, des mariages et de la préparation des testaments. Au dernier acte, Henri explique, avec tristesse, les dernières années de la vie d’Émilie, et les circonstances de sa longue maladie. Mais était-ce bien une maladie ?


 – Oscar Melitte – 110 p. – 1992 – C’est avec un rare talent que l’auteur réussit le tour de force de donner à son texte suffisamment d’envergure pour qu’un si long monologue produise un tel effet de plénitude. Si des comédiens talentueux ont connu la renommée grâce à cette pièce, c’est d’abord et avant tout à une plume parfaitement maîtrisée qu’ils la doivent.


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