L’effet seyant
Depuis les théocraties des origines, jusqu’au républicanisme, les systèmes politiques que se sont donnés les sociétés ont tous présenté des caractéristiques uniques et parfois étonnantes. Depuis les années 1960, la tendance veut que les électeurs se soucient moins des débats de fond que de l’image que projettent les dirigeants. Ainsi, présidents et premiers ministres peuvent désormais être prévaricateurs, concussionnaires et fornicateurs, cela n’émeut plus guère l’opinion publique. Par contre, que d’encre fait couler une nouvelle coiffure, une nouvelle garde-robe de costumes dernier cri ou un mot intelligemment placé et répété ad nauseam. L’important en politique contemporaine n’est plus tant ce que sont les dirigeants, mais bien plutôt ce de quoi ils ont l’air. Cette nouvelle tendance dans la gestion des sociétés modernes a donné naissance à une nouvelle profession : l’imageur. Désormais, le programme politique de tout un parti, fût-il de droite ou de gauche, pèse moins lourd dans la balance, le soir du vote, que le talent d’un bon tailleur ou que l’imagination d’un scripteur hors pair. Des exemples sont apportés afin d’illustrer le propos. Certains des grands chefs d’État de la seconde moitié du XXe siècle sont ainsi analysés en fonction, de leur habillement. Qu’on remarque le cheminement assez étonnant du « complet sombre » de John F. Kennedy qui, bien que demeurant dans les mêmes tons, a connu avant et après son accession à la présidence une transformation dans la coupe et dans le style qui en a fait une référence dans le domaine. Dans la même veine, on note un phénomène analogue en France, alors que les complets de François Mitterand ont été taillés selon une coupe extrêmement stricte, mais dans des tissus de plus en plus lustrés à mesure qu’il se rapprochait de l’Élysée. Enfin, mais dans un sens tout à fait à l’opposé, notons l’évolution dans l’habillement de Mohandas Karamchand Gândhi qui, au début de sa carrière, ne sortait jamais de chez lui sans un austère complet à l’occidentale, mais qui, pendant sa croisade contre l’occupation étrangère, a changé totalement son habillement. Enfin, un dernier exemple tiré des très nombreux qui émaillent l’essai, notons au passage le treillis de Fidel Castro qui lui a conféré, pendant des décennies, une crédibilité à toute épreuve. En guise de conclusion, l’auteur demande de quelle maturité politique il peut être question dans des sociétés où le vote se dirige là où on agite la pièce de tissu idoine, et, surtout, ce qu’il incombe de faire afin de mener la chose politique vers un niveau de réalisation plus accompli.
– Hercule Hannoum – 506 p. – 1988 – Politologue fétiche de la jeune génération, l’auteur est retourné vivre dans sa Tunisie natale après avoir connu une brillante carrière universitaire européenne. Défenseur des droits des plus démunis de son pays, il n’a pas cessé d’être le critique intransigeant de toute une classe politique.
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