lundi 22 août 2022

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Le cynique des abusés


Écrivain prolifique, Henri Tournel est avant tout un des témoins privilégiés de la seconde moitié notre siècle. Ayant atteint la renommée dans la presse écrite et parlée, il a été de tous les grands événements qui, depuis le débarquement de Normandie jusqu’à la révolution islamique en Iran, ont ébranlé et marqué le siècle, en même temps qu’ils ont forgé l’histoire. Dans le présent essai monsieur Tournel nous livre, dans une langue claire et précise, une vision lucide et sans complaisance des coulisses des grands moments de l’humanité, tel qu’il a été assez privilégié de les vivre. À la fois doux et amer, il raconte sans complaisance ce siècle qui a en même temps été sa vie. S’agit-il véritablement d’un essai ou d’une autobiographie, il résume ainsi sa dernière fournée : « Le livre d’une vie, comme seul un livre peut rendre une vie. » Il s’applique surtout à expliquer comment ses illusions de jeunesse ont été systématiquement détruites, les unes après les autres, au contact des faiseurs de nouvelles eux-mêmes, et, surtout, des cercles du pouvoir où ils évoluent et où, bien souvent, les véritables décideurs sont ceux que l’on ne voit jamais en public. Ce cheminement douloureux, dont il ne cache rien, ni les angoisses existentielles – il a bien connu Jean-Paul Sartre – ni les profonds questionnements à la fois moraux et politiques – n’a-t-il pas été l’un des seuls intellectuels européens à appuyer le combat des brigades rouges en Italie ? – ne sont ici passés sous silence. Au fil des années, à mesure que sa célébrité croissait tant en France qu’aux États-Unis, cette longue et difficile prise de conscience a fait de lui le « Cynique par excellence » (également le titre d’un de ses romans). Les abusés, quant à eux, ne sont nul autre que monsieur et madame Tout-le-monde qui, par la force d’un système sociopolitique aveugle et élitiste, n’ont d’autre choix que de placer leur confiance dans ces dirigeants qu’on leur impose et qui ne sont jamais plus que de simples gérants, tandis que les véritables maîtres tirent tranquillement les ficelles dans l’ombre. Ainsi, le peuple est-il mené par des argotiers sans scrupules qui, au nom du bien public dont ils ne se soucient jamais, en profitent pour fouler au pied les principes les plus élémentaires de la dignité humaine. Selon monsieur Tournel, seule une prise de conscience permettrait de changer la donne politique des sociétés occidentales et de permettre à un véritable principe démocratique de fleurir. Cependant, un tel processus exigerait une responsabilisation collective dont semblent incapables les masses occidentales, trop habituées à laisser les maîtres du jeu penser à leur place. 


 – Henri Tournel – 184 p. – 1989 – À la fois message d’espoir et constat d’échec de toute une époque, cet essai a valu à son auteur les plus beaux éloges et les pires condamnations, tant à droite qu’à gauche de l’éventail politique.

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