La nounou du chien malade
Les Auppell, l’aïeule, les grands-parents, leur fille et son mari, et les enfants de ces derniers, forment une famille cossue et en sont rendus à s’ignorer la plupart du temps. Dans cet univers étouffant où les parents n’arrivent plus à se faire respecter de leurs enfants, quatre générations cohabitent dans une atmosphère glaciale où les attitudes, les comportements et les façons de faire sont, semble-t-il, figées pour toujours. Le seul membre de cette famille qui tient lieu de trait d’union pour cette humanité désarticulée est le chien de la maison. Or, un jour, l’animal tombe malade. Bien que la famille s’en trouve ébranlée, personne ne pense un instant changer d’attitude, mais l’inquiétude demeure tangible. Le vétérinaire que l’on fait venir à fort prix, de peur qu’un déplacement n’empire l’état de l’animal, diagnostique une maladie assez grave exigeant des soins constants. Dans la plupart des cas, explique-t-il, le seul traitement est l’euthanasie. Mais, devant les protestations que soulève la famille, il explique que, avec un traitement coûteux, il est possible de soigner le chien. Aussi suggère-t-il d’engager une infirmière, une jeune stagiaire en médecine vétérinaire qui, à ce moment-ci, a besoin d’un travail afin de compléter ses études. Dès son arrivée, la jeune femme ne laisse personne indifférent. Fort jolie, elle charme les hommes de la famille au grand déplaisir des femmes. Si la cadette se réjouit pendant un temps de la présence d’une personne à peine plus vieille qu’elle, elle prend vite la mouche lorsqu’elle constate l’intérêt de son père pour la nouvelle venue et qu’elle commence, à l’instigation de sa mère et de sa grand-mère, à craindre pour l’héritage. L’hostilité envers l’étudiante grandit en sourdine, car le sort du chien rejette au second plan toutes les autres considérations. Cependant, dans le secret de leur coeur les Auppell attendent avec impatience le plus petit signe de rétablissement de l’animal afin de mettre l’intrigante à la porte. Or, un soir où la tension est à son comble, l’altercation éclate entre la mère et la jeune femme. Alors que l’échange devient de plus en plus virulent, le clan apprend avec stupéfaction que la jeune femme est enceinte d’un des deux hommes de la famille, mais, satisfaite de son effet, refuse de préciser lequel. De difficile, la vie dans la grande maison devient rapidement intenable. De guerre lasse, la famille accepte de donner à la jeune femme un substantiel montant d’argent afin qu’elle aille se faire avorter, qu’elle ne remette plus jamais les pieds chez les Auppell et, surtout, qu’elle garde le silence sur toute cette affaire. Comme par miracle, le départ de la stagiaire semble permettre à cette famille déchirée de reprendre un semblant de vie normale. Un après-midi qu’ils ont décidé très exceptionnellement d’aller faire des courses au chef-lieu, ils aperçoivent la stagiaire et le vétérinaire occupés à rouler une poussette devant eux.
– Marina Sionnal – 296 p. – 1990 – C’est avec une patience d’horloger que l’auteur démonte ici les rouages d’une famille dysfonctionnelle auxquels l’intrigue ne sert finalement que de révélateur, mais un révélateur dangereusement efficace.
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