lundi 30 mai 2022

Catalogue

 


Petits nègres en négatif


Dans une banlieue parisienne, un groupe de jeunes désoeuvrés décide par défi de « changer de peau ». Tous trois de race blanche, ils adoptent, pour vingt-quatre heures, les attitudes, valeurs et comportements de Noirs de leur âge. Cependant, leur appréhension approximative de la négritude les porte davantage à la caricature qu’à la véritable imitation. Aussi leur odyssée d’une journée donne lieu, dès les premiers instants, à une série de situations cocasses où toute la société française est prise à partie de manière décapante. Leur groupe d’amis est le premier à se trouver désarçonné par ce jeu. D’abord incrédules puis excédés, ils menacent de s’en prendre physiquement aux trois compères. Persona non grata dans leur propre quartier, ils décident de partir à l’aventure dans le dédale urbain. Ils croisent sur leur chemin une vieille dame qui, méfiante à leur approche, appelle un agent à l’aide. Outrés par ce qu’ils considèrent comme un abus de pouvoir, les jeunes gens viennent bien près de se faire mettre aux arrêts. Cependant, l’arrivée d’un groupe de Beurs procure aux policiers le prétexte voulu pour clore l’affaire alors qu’ils se lancent à la poursuite des nouveaux venus. Laissés seuls une fois de plus, le trio décide avec amertume d’aller errer dans les rues de Paris « où la vie est plus chère, donc moins chiante ». Au hasard de leurs pérégrinations, ils tombent sur un groupe d’étudiants africains qui, terrorisés par les rodomontades des trois amis, se réfugient dans une station de métro de peur d’être écharpés par ces « voyous blancs ». Ils passent par inadvertance devant une permanence du Front National où ils tiennent, sur le trottoir, un discours cousu de clichés et de lieux communs sur la présence des immigrants sur le sol français, tout à fait dans la veine des ténors de cette organisation politique, mais en «rappant» leurs insanités. Devant La tour d’argent, ils font mine de dresser des piquets de protestation afin d’exiger que le restaurant se fasse désormais appeler La tour d’ébène, mais doivent battre en retraite lorsque le chef, un mulâtre d’origine antillaise, les menace d’appeler la police. À la fin, harassés par leur longue promenade, ils arrivent, par le plus grand des hasards, dans une fête multiethnique où ils s’en donnent encore une fois à coeur joie avec leurs clichés de faux Noirs. Leur attitude est jugée irrespectueuse par un groupe de jeunes vietnamiens qui les chasse sans douceur. Meurtris et affamés, ils échouent à une intersection fréquentée afin de mendier quelques pièces. Un homme de race noire leur remet un billet de cinq cents francs en leur suggérant fortement de rentrer dans leur pays.


 – Anwar Conché-Llyab – 320 p. – 1995 – Tableau décapant d’une réalité de moins en moins réservée à la seule ville de Paris, ce roman, dont la forme n’est pas sans évoquer un recueil de nouvelles, offre un tableau hyperréaliste d’une société minée par l’absurde et le mépris de l’identité humaine. Lecture obligatoire pour quiconque cherche à comprendre la France plurielle et les grands ensembles multiethniques.


Aucun commentaire: