lundi 13 décembre 2021

Catalogue

 

Le chien fait sa niche


Basile est un jeune garçon de seize ans. Adopté dès la naissance par la famille Arcand, il n’a jamais connu ses parents. On a chuchoté, dans le pays, qu’il était le fils naturel d’une des domestiques de la maison, mais la chose n’a jamais été prouvée. La famille est présentée avec une verve toute spéciale par Basile lui-même, qui, au fil des pages, décrit les siens à son chien avec une affection très sincère. Cependant, tandis que les compliments pleuvent sur les têtes bourgeoises, le lecteur réalise peu à peu que Basile n’est guère mieux traité que le chien auquel il s’adresse dans le secret de la remise. Basile coule des jours heureux alors qu’il travaille sans relâche pour assurer la tranquillité d’esprit et le confort matériel de la famille, dont les attitudes à son égard varient de l’indifférence narquoise de la cadette jusqu’au mépris presque avoué du fils aîné, en passant par la condescendance bienveillante des parents et la fourberie mesquine de l’oncle. Dans ce paradis aux fruits empoisonnés, la vie pourrait effectivement se poursuivre sans anicroche. Mais voilà qu’un été, la maison voisine est louée pour les vacances par une famille de la ville, des gens aisés eux aussi, ayant comme seule enfant une fille un peu garçonne au caractère frondeur. Si l’amitié entre Basile et Annie ne s’élabore que difficilement, c’est surtout que le père a mis en garde son fils adoptif contre cette fille un peu trop délurée pour être recommandable. Aussi n’est-ce qu’avec difficulté que les liens se nouent entre les deux jeunes. Mais une fois que la confiance s’installe, Annie est stupéfaite d’apprendre quel sort est celui de Basile et elle met en jeu sa fragile crédibilité afin de dessiller les yeux de son ami. Les choses ne vont pas aussi facilement qu’elle l’aurait prévu, car Basile n’arrive qu’avec difficulté à admettre son état de quasi-servitude. Ses hésitations, magnifiquement rendues au cours de ses monologues avec le chien, témoignent d’une véritable prise de conscience. À la fin, alors qu’Annie a réussi l’initiation de Basile à la désobéissance et que, devant cette révolution en miniature, les lézardes éclatent au grand jour au sein de la famille Arcand, Basile doit se préparer à une ultime épreuve alors que l’été touche à sa fin et que Annie lui annonce qu’elle fera de lui un homme en guise de cadeau d’adieu. Mais voilà que la famille décide de reprendre son rejeton adopté en main et que, même auprès de son ami canin, Basile sent monter une vague désapprobation.


 – Paul Cadotte – 502 p. – 1991 – Ce roman se veut une amère et cinglante critique, tandis qu’elle devient, au fil des pages, une métaphore pour l’ensemble de nos sociétés contemporaines où l’étalage de bons sentiments ne sert qu’à s’assurer la docilité du plus grand nombre et où l’esprit dit philanthropique n’hésite pas à réprimer tout sursaut de libre pensée.


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