Lippée de dames au Claes
Claes est un immigrant d’origine belge chocolatier de son état. Cependant, sa passion pour la cuisine ne s’est pas arrêtée aux friandises. Au contraire, il n’a pas hésité, lorsqu’est venu le temps de s’établir, à se lancer dans la restauration. Afin de trouver les moyens de partir en affaires, il a épousé une fille de famille, davantage pour la dot de la jeune femme que pour les sentiments qu’elle lui inspirait. Installé dans une ville de province, il s’est rapidement taillé une réputation enviable dans le circuit des relais gastronomiques. En effet, Chez Claes a rapidement joui de la faveur populaire. C’est une réunion qui amène au Claes les principales représentantes des dames de la ville qui, à l’occasion de leur assemblée annuelle, ont décidé de joindre l’utile à l’agréable. D’ordinaire, cet événement sert de prétexte à de joyeuses ripailles aux épouses des édiles qui y font le bilan de leur année de bonnes oeuvres et d’initiatives à caractère culturel. Cette fois-ci, exceptionnellement, la réunion s’engage sous un jour moins radieux. En effet, on soupçonne l’une des trois dirigeantes de s’être généreusement servie dans les caisses de l’association. Ce souper n’est en fait qu’une chasse aux sorcières alors que l’une d’elles se trouve en danger d’être démasquée. Tandis que le repas s’engage dans une atmosphère funèbre, la finesse des plats, malgré tout l’entrain de Claes, qui ne dédaigne pas « faire de la salle » comme il dit, ne parvient pas à dérider l’assemblée. Au contraire, à mesure que la réunion avance, les accusations à peine masquées sont proférées alternativement envers l’une et l’autre, tandis que de vieux comptes se règlent entre légitimes et maîtresses. Finalement, les soupçons s’accumulent sur la tête de la seule des femmes, la trésorière, à ne pas avoir d’alibi le jour d’un fatidique versement. Alors que la tension monte insensiblement autour de la table, et que tous les prétextes sont bons afin de s’excuser et d’aller respirer dans la chaleur épaisse de la cuisine, on découvre que la trésorière en question n’est nulle autre que la maîtresse de Claes, lequel éprouvait dernièrement de graves problèmes d’argent à cause du train de vie débridé de sa femme. Malheureusement, leur conversation à coeur ouvert est surprise par nulle autre que l’épouse de Claes qui devient d’office la meneuse de jeu. Alternativement menaçante et cajoleuse, elle tente d’obliger Claes à trahir sa maîtresse afin de se débarrasser elle-même de manière définitive de sa rivale, et lui de la dette qu’il a contractée à son endroit. Malheureusement, le complot se retourne contre elle et la chute finale, aussi ingénieuse qu’inattendue, n’a pas manqué de séduire le critique même le plus exigeant.
– Janko K’Tômaré – 192 p. – 1991 – Brillant exposé de rivalités de basse-cour servant de toile de fond à une frappante étude de société où, sous des dehors avenants, se tapissent les plus noirs desseins.
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