mercredi 16 novembre 2022

Catalogue

 


Lierre soir


Écrite peu après la guerre, mais demeurée cachée tout ce temps, cette pièce a été imputée par erreur, et à titre posthume, à Raymond Barrault martyr de la Résistance, auteur célèbre de l’entre-deux-guerres. En effet, Barrault (à ne pas confondre avec Jean-Louis Barrault) avait été le premier à mentionner Lierre soir dans une de ses chroniques, alors que la pièce était au feuilleton de l’Odéon de Paris pour le printemps 1940. La débâcle de mai-juin de cette année et l’entrée des Allemands dans la capitale française reléguèrent provisoirement aux oubliettes le théâtre parisien. La pièce, due à la plume de Jean-René Maillé, auteur comique du Café parisien, tomba dans l’oubli en attendant que son auteur ne revînt d’exil. Cependant, pratiquement ruiné en 1945, Maillé dut, afin de subsister, accepter un poste de journaliste au Figaro, poste qu’il ne put garder qu’en taisant ses propres idées politiques. Craignant une mise à pied intempestive si sa pièce devait être jouée, il la fit néanmoins monter dans un théâtre de banlieue sous un pseudonyme, en 1949. Quoiqu’elle ait connu un relatif succès d’estime, elle demeura largement ignorée du public, principalement en raison de la pauvreté du jeu des acteurs. Guère plus heureux avec ses autres oeuvres, Maillé finit sa carrière dans l’oubli comme rédacteur en chef du Figaro. Vingt ans après, sa petite-fille, alors qu’elle fouillait dans des souvenirs de famille, finit par retrouver de mystérieux manuscrits dans une malle, heureusement très bien conservés, et reconnut l’écriture de son grand-père grâce à des lettres qu’elle avait conservées de lui. Elle exhuma ainsi un trésor littéraire constitué d’une quinzaine de pièces et d’une demi-douzaine d’écrits divers, allant du recueil de poèmes à l’essai, en passant par des nouvelles et un roman. Lierre soir raconte, dans un style très vivant, une soirée très mondaine dans un château isolé où les invités vont se rafraîchir au jardin ou tout simplement y badiner agréablement. L’un d’eux, solitaire, tombe près de la treille du lierre sur un mystérieux personnage avec lequel il engage une longue conversation. D’abord surpris par la profonde érudition de son interlocuteur, l’invité devise avec lui de tous les sujets. C’est ainsi qu’il en vient à admirer la profondeur de pensée de l’inconnu. Graduellement, alors que les deux hommes lient connaissance et qu’ils portent des réflexions sur les gens qui déambulent sous leurs yeux, l’invité se surprend à ouvrir son coeur à l’inconnu, lui révélant les troubles qui agitent son âme. Les paroles rassurantes de l’inconnu lui permettent de découvrir un nouveau sens à son existence juste au moment où l’hôte apostrophe rudement son interlocuteur qui n’est autre que le jardinier de la maison.


 – Jean-René Maillé – 320 p. – 1990 (édition originale 1939) – L’action de cette oeuvre particulièrement dense n’est pas sans rappeler, dans son traitement, le théâtre du XVIIIe siècle tel que Beaumarchais et, à un moindre titre, Marivaux l’ont conçu en leur temps. 

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