vendredi 14 janvier 2022

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 Dieu reconnaîtra les siens


Dans un quartier populaire de Tegucigalpa, des « escadrons noirs » imposent avec une brutalité inouïe la paix sociale aux dépens des plus démunis. Les appels de ces derniers restant lettre morte auprès de leur gouvernement, les déshérités n’ont de recours qu’auprès de l’Église, qui demeure la seule institution à prendre encore le temps d’écouter leurs doléances. Le curé de la paroisse San Guillermo, où les interventions des escadrons sont généralement plus fréquentes et plus dures qu’ailleurs, hésite avant de donner suite à la demande des malheureux, cherchant des prétextes valables dans la litanie d’excuses toutes faites que le clergé enseigne à ses futurs prêtres. Cependant, vite à court d’arguments, et soucieux de ne pas se discréditer auprès de ses paroissiens, le curé décide d’aller de l’avant, mais avec toutes les aménités d’usage et en faisant montre du respect le plus cauteleux envers la hiérarchie ecclésiastique. Il écrit à son évêque afin de lui présenter la requête de ses paroissiens et de lui demander d’intervenir auprès des autorités afin que cessent de telles exactions. En l’espace de quelques jours, les interventions des escadrons noirs se multiplient laissant dans leur sillage deux morts et de nombreux blessés. Cette fois outré par ce qu’il considère un phénoménal abus de pouvoir, le curé se précipite au palais épiscopal. L’audience se déroule dans une ambiance extrêmement tendue alors que le prêtre éprouve toutes les difficultés à se contenir devant l’indifférence et la légèreté de l’évêque. Sur le chemin du retour, le curé est assailli par des inconnus qui le laissent pour mort avec, dessiné à la craie sur le trottoir, le symbole des escadrons noirs. Recueilli par un vieillard, il est soigné en secret dans la cave d’une vieille maison. Pendant sa lente convalescence, il apprend que son sauveur est un ancien guérillero qui, rendu impotent davantage par la désaffection générale d’un peuple écrasé par la résignation que par l’âge, a littéralement rendu les armes. Une fois rétabli, le curé retourne dans sa paroisse pour se rendre compte qu’il a été remplacé par un autre prêtre, un ancien aumônier militaire, qui mène sa paroisse avec une discipline de fer, menaçant les plus démunis de l’excommunication, laissant poindre en sous-main des menaces plus tangibles. Avec l’aide du vieillard, le curé organise la résistance au sein du quartier dans le secret le plus absolu, contactant les plus militants de ses anciens paroissiens qui ont déjà commencé à amasser des armes et à mettre sur pied des patrouilles nocturnes. Organisés sous l’égide du vieillard en une authentique milice, les hommes en viennent rapidement aux mains avec un escadron noir. Au terme du combat, le curé et ses hommes démasquent leurs prisonniers au nombre desquels se trouve nul autre que l’évêque lui-même.


 – Laurent Bassain – 398 p. – 1992 – Manifeste à l’encontre de la réalité sociale centraméricaine. L’auteur, qui a vécu de nombreuses années au Honduras, démonte ici avec une justesse désarçonnante la mécanique de la terreur qui recourt au meurtre et à la torture davantage pour frapper l’imagination populaire que pour punir des individus.

 

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