mercredi 20 mai 2020

Dix tentations*

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais toute cette histoire de distanciation sociale m’a pris à rebrousse-poil. Au début, quand les autorités l’ont annoncée, je me suis dit que je devais me trouver dans un mauvais rêve. Cette situation catastrophique ne pouvait pas arriver dans ce monde où je vis. Et pourtant, si!

Mettez-vous à ma place. Voilà des années – pour ne pas dire des décennies – que je creuse l’écart entre moi et le contemporain. J’avais comme pratique normale de tenir au moins trois ou quatre mètres entre nous. Alors, d’un seul coup avec leurs deux mètres de distance, les autorités coupaient de moitié mon espace vital. Mais qu'est-ce que vous voulez que je fasse de ces deux mètres?

Il est vrai que le contemporain demeure viscéralement grégaire, de sorte qu’il s’agglutine à son prochain. Au bout du compte, on découvre un attroupement compressé comme un trou noir, vibrant et bruissant à la façon d’un essaim frénétique. Évidemment, on comprend dès lors que, lorsque les liens se distendent dans cette masse compacte semblable au nodule primitif ayant donné naissance à notre univers, l’espace se retrouve chichement mesuré pour chacun.

Cette épidémie est un terrible fléau.



* Il n’y a pas 10 tentations; c’est seulement pour le calembour. Des tentations, j’en ai bien quelques-unes, comme tout le monde, mais de là à faire des aveux publics qui pourraient être retenus contre moi…


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