mardi 27 mars 2012

L’ennemi

Un dicton allemand note que «le mieux, après un bon ami, c’est un bon ennemi». Nous autres Occidentaux en savons quelque chose, nous qui nous sommes ingéniés depuis des siècles à nous fabriquer des ennemis aussi nombreux qu’insaisissables, omnipotents, protéiformes et omniprésents.

Il s’agit toujours d’envahisseurs, bien sûr, qui n’ont de cesse de vouloir détruire notre façon de vivre, la plupart du temps par jalousie et mesquinerie; parfois, il s’agit de motifs plus élevés quoique immanquablement erronés. Ainsi, au moment de la formation de l’Occident, qui n’était alors qu’une portion congrue de la chrétienté, et avant même que la notion d’Europe s’installe, l’ennemi était le Sarrazin ou le Maure. Son digne successeur fut le Turc. Il y eut un interrègne assez long où l’Ouest dut se contenter d’une variété assez éclectique d’hérétiques et de sorciers en tous genres et l’on peina grandement à savoir qui était le mécréant de qui.

Fort heureusement, la révolution industrielle vint à point nommé pour éclaircir le tableau. De la masse de ceux qui peinaient sous la chaîne du labeur taylorisé émergea une figure sombre et hirsute au regard fiévreux et menaçant: l’anarchiste. Ce dernier fit les choux gras de toute une propagande de bien-pensants jusqu’aux lendemains de la Première Guerre mondiale; et pour cause, puisque certains anarchistes – ou affublés comme tels – se rendirent coupables d’assassinats largement publicisés.

Mais au cours de ladite guerre, l’empire russe fut jeté bas par un autre genre d’épouvantail, tout aussi inquiétant: le communiste. Celui-là a eu la vie dure jusqu’à l’aube des années 1990. Sa disparition, cependant, a eu des effets néfastes pour les possédants. La dernière menace évaporée, comment assujettir les masses, désormais?

Fort heureusement, c’est alors qu’Al-Qaïda fit son apparition avec un sens de l’à-propos quasi miraculeux. Depuis lors, pratiquement pas une journée ne passe sans que le nom ne soit rapporté dans l’actualité et, les jours sans, dans des chroniques ou analyses présentées par des pontes grassement entretenus par ceux qui nous dépouillent.

Il y a un autre dicton qu’on oublie trop souvent, peut-être pas allemand celui-là: «l’ennemi de mon ennemi est mon ami».

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