Jésus, reine du monde
Jésus est un travesti de Sao Paulo qui donne un spectacle où il incarne des femmes connues du monde des arts ou de la politique de différentes époques. Cependant, comme la concurrence est assez féroce, il cherche constamment de nouvelles idées pour son spectacle. À la suggestion de son compagnon de vie, il décide de s’inspirer du folklore religieux et met sur pied un spectacle intitulé La passion de Marie où se retrouvent exclusivement presque tous les principaux personnages féminins du Nouveau Testament dont, surtout, celui de la Sainte Vierge. À la fois douloureux et joyeux, le spectacle connaît une vogue fulgurante auprès de la clientèle des bars et attire même les croyants qui viennent y célébrer le culte marial. Inquiet, le clergé argentin se méfie d’abord de ce qu’il considère a priori comme un blasphème. Le spectacle est alors surveillé de prés par toute une série de clercs de différents niveaux jusqu’à ce que finalement le farouche cardinal Remos lui-même convoque Jésus et le propriétaire de la boîte afin de constater par lui-même du caractère du spectacle. Conquis, il devient rapidement un avocat dévoué qui n’hésite jamais à plaider la cause de Jésus auprès de l’autorité ecclésiastique supérieure. Afin de faire taire les critiques, le spectacle est retiré de l’affiche du quartier chaud de Sao Paulo et est désormais présenté dans la grande salle du séminaire. Entre-temps, Jésus a regroupé autour de lui quantité de figurants, il a fait monter des décors et il se mêle de tous les aspects de la production. Il est devenu un authentique producteur qui bénéficie de tous les appuis, tant moraux que financiers, de l’Église. À l’occasion de la visite du pape, il est même invité à préparer un extrait de son spectacle. Cependant, imperceptiblement, les nuages s’accumulent au-dessus de sa tête. D’une part, il est de plus en plus incité par ses nouveaux mécènes à cacher sa véritable identité et de prétendre, en public tout au moins, qu’il est bel et bien une femme. À cause de cette compromission discutable, il s’aliène ses amis et se retrouve de plus en plus isolé, n’ayant de rapports qu’avec des membres du clergé qui n’approuvent pas les choix de vie de Jésus. De plus en plus seul, il sombre dans la mélancolie et la qualité de ses prestations en souffre. Le public se détourne de ses productions et, jugé désormais inutile par un clergé qui cherche désespérément à maintenir dans son giron une masse de fidèles graduellement rébarbative à son discours, il est décrié lorsque la prêtrise prétend « découvrir » sa véritable identité sexuelle. Poussé au suicide, Jésus disparaît pendant un temps. Mais un nouveau culte, taxé d’hérésie par le clergé, fait son apparition où le Christ et la Sainte Vierge ne forment plus qu’une seule et même personne. En même temps, des rumeurs commencent à courir parmi le peuple à l’effet que Jésus soit ressuscité.
– Pilar Caspo – Traduit de l’argentin par Pilar Caspo – 362 p. – 1994 – Cette histoire saisissante joue sur l’ambiguïté de l’identité véritable tant chez l’individu que dans le discours des collectivités. Une lecture incontournable.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire