lundi 19 septembre 2022

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Leur hache


Longtemps au centre du discours dominant, la notion de l’action dynamique est en passe d’être reléguée aux oubliettes dans le contexte contemporain. De moins en moins, les gens sont-ils responsabilisés et sommés de prendre leur destinée en main. Au contraire, les sociétés contemporaines tendent plus régulièrement à occuper l’espace de l’action afin d’évacuer du champ des compétences dites « collectives » les initiatives incontrôlables des particuliers. Ce défaut, longtemps reproché aux systèmes socialistes de tout acabit, et en particulier au modèle français, est en passe de devenir une fondation du contrat social. Contrairement à la philosophie et aux aspirations des principes démocratiques, le citoyen est de plus en plus dépouillé de sa capacité à agir et, ainsi, de toute forme de véritable pouvoir. Là où le bât blesse le plus, c’est que cette impuissance à agir, par une sorte de phénomène de capillarité sociale, s’infiltre progressivement aux échelons les plus élevés de la société. Cette réduction du nombre des décideurs-acteurs, c’est-à-dire ceux et celles qui ont les moyens d’agir sur la réalité contemporaine, fait en sorte que, accaparés par ailleurs, ils n’ont pas le temps strictement nécessaire de faire face à toutes les exigences complexes de la société où ils sont présents. Ainsi, il s’en dégage, dans les faits, une incapacité à agir face aux problèmes. Ces derniers, dont l’accumulation s’accélère à mesure que se développent les technologies nouvelles, sont le plus souvent laissés en plan dans l’espoir fallacieux qu’ils se règlent d’eux-mêmes ou qu’ils disparaissent comme par enchantement. À la limite, les grands enjeux contemporains, comme la question des pluies acides en Amérique du Nord, la gestion des déchets nucléaires en Europe de l’Est ou celui de la surpopulation en Asie, sont tout simplement balayés sous le tapis. Ainsi, ces graves questions, en particulier sur le plan de l’environnement, deviennent, à cause de la procrastination des gens en place, de plus en plus aiguës. Malgré les efforts déployés afin de déposséder les masses de la volonté d’agir, est-il encore possible que celles-ci en viennent à prendre les choses en main ? Si c’est le cas, l’auteur est formel : ce type de changement populaire, la plupart du temps anarchique et démesuré, risque d’entraîner plus d’effets indésirables que d’apporter de solutions durables, tant sera grande la tentation de trancher les questions à coups de hache. À l’appui de son argumentation, l’auteur présente d’ailleurs quantité d’exemples qui, depuis la Révolution française jusqu’à la Révolution chinoise, ont démontré à quel point les initiatives populaires sont particulièrement dangereuses pour les intérêts individuels.


 – Guy Baule – 300 p. – 1992 – Cet essai didactique a valu à son auteur le prix Fortune aux États-Unis. Il s’agissait de la première fois où cette reconnaissance prestigieuse était accordée à un ouvrage rédigé en une autre langue que l’anglais.


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