vendredi 9 septembre 2022

Catalogue

 


Gène acide


L’auteur, un éminent généticien, a transposé son savoir et son expérience sur le plan des sociétés humaines. L’apparition de la vie, contrairement à certains points de vue erronés, ne relève pas du hasard. Au contraire, la constitution du « matériel vivant » est le fruit d’une hiérarchisation extrêmement poussée dont toutes les subtilités commencent à peine à être remarquées par la science génétique. Essentiellement, et grossièrement schématisée, la vie tient à l’adjonction d’éléments en apparence disparates qui, par leur combinaison, permettent de passer à des niveaux supérieurs d’existence. Par exemple, l’hérédité, sur le plan de la reproduction de tous les animaux, passe par les gènes. Or, ces gènes sont le résultat d’une lente et patiente évolution. Formant les briques dont sont faits les chromosomes, ils possèdent eux-mêmes une structure plus complexe qu’il n’y paraît. Ils sont d’abord constitués de molécules d’ADN (acide désoxyribonucléique), lesquelles se forment à partir de protéines. Ces protéines sont en retour constituées grâce aux acides aminés, lesquels sont obtenus en agglomérant, de manière précise, certaines molécules organiques. Ces dernières, enfin, sont constituées d’atomes, autrement dit de particules élémentaires, qui, dans leur état premier, ne forment que de la matière inerte. Or, les sociétés humaines ne sont pas dépourvues de ressemblance avec cette structuration du vivant. En fait, les parallèles qui s’établissent entre les deux sont trop nombreux pour ne pas attirer l’attention du philosophe. En effet, les sociétés humaines s’échafaudent suivant le même plan de complexité croissante en partant de l’individu comme unité de base – les atomes du modèle génétique – pour former des ensembles complexes où l’humanité tout entière constitue une sorte d’être vivant dont les composantes sont en constante interaction. Les amalgames, à des degrés divers, d’êtres humains forment les briques dont sont constituées les éléments de base du fameux village global. Ainsi, les individus s’unissent par paires pour former des familles, lesquelles se joignent en clans familiaux. Ces clans s’assemblent en communautés, lesquelles forment des sociétés organisées, puis des nations qui composent les cultures dont émergent les civilisations. L’interaction entre les diverses civilisations forme l’essentiel de l’expérience humaine où les conflits et la violence peuvent s’interpréter comme une mécanique interne où les organes constituent des cellules neuves à mesure que d’autres meurent. L’hypothèse de l’auteur, très provocante, veut que la véritable fertilité humaine ne soit pas individuelle. Sa capacité à transmettre les acquis aux générations à venir ne peut prendre son sens qu’à travers un projet collectif. Ainsi, l’expérience individuelle n’est jamais qu’une dangereuse illusion, alors que l’humain isolé n’est en définitive qu’un atome de matière inerte.


– Omar Mellahd – 704 p. – 1991 – Exposé captivant, convaincant et magistral.

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