Le soûl-pape
À l’époque du grand schisme d’Occident, alors que la chrétienté est divisée par la rivalité qui oppose les papes de Rome et d’Avignon, un homme n’a cure des bouleversements qui menacent à la fois la vie temporelle et la vie spirituelle. Indifférent aux inquiétudes qui affligent ses contemporains, il se donne tout entier à son art. Jehan est aubergiste dans un des faubourgs d’Avignon et sa réputation amène à sa table des personnages importants de la cour papale et des amateurs de bonne chère tant du comté de Provence que du royaume de France, et même d’au-delà des Alpes. Or, non loin de son auberge, un incident d’importance se produit : le goûteur papal vient de succomber à un autre excès de table, et son médecin lui interdit désormais les abus auxquels il est habitué au palais. Malheureusement, il est impensable de laisser le pape sans un goûteur au talent aussi exquis que sont raffinées ses manières. Le choix se porte vers maître Jehan dont les sauces et les roux ont déjà fait le bonheur de quelques grands prélats. Cependant, dès son arrivée, Jehan doit déchanter, car si la cuisine est certes raffinée à souhait, un endroit de délices où on prépare des viandes rares et exquises, il n’en va pas de même de la cave papale. Esclave de la coutume, le pape, par devoir, s’astreint à ne boire que le produit de ses propres vignes qui, depuis quelques années, ne fournissent qu’un produit médiocre jurant fortement avec les plats qu’il doit accompagner. Jehan convainc le Saint-Père d’admettre à sa table des vins provenant de diverses origines, allant même jusqu’à importer des vins produits près de Rome, véritablement sous le nez du rival. Si la chose pouvait faire scandale, elle est prestement étouffée, car toute la cour y trouve son profit. En effet, les nouveaux crus accompagnent de manière somptueuse les produits les plus fins des cuisines. Si Jehan y gagne encore davantage en renommée, ce changement dans les habitudes papales pose un problème imprévu ; le pape, séduit par les crus qui défilent à sa table en grande multitude, s’est entêté à les goûter tous sans exception, obligeant Jehan à passer des heures à s’enivrer en compagnie du souverain pontife. Les deux hommes, dont l’amitié se soude par cet amour immodéré du vin, s’échangent confidences et secrets. Jehan, devenu de la sorte un conseiller craint et respecté, tente sans succès de modérer les transports du pape envers les produits de la vigne. C’est donc avec désespoir qu’il voit l’ambassade du concile de Constance, qui doit décider du sort de la chrétienté, reçu en grande pompe par un pontife dangereusement éméché, avec les conséquences que l’on suppose.
– André Fusse et Esther Haszy – 698 p. – 1997 – Couple béni du roman historique contemporain, les auteurs ont mis à profit le savoir accumulé lors de leur séjour avignonnais pour rassembler les éléments de cette saga douce-amère.
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