Les éditions du Cardan
Chronique romancée qui illustre à la fois les tribulations qui, des années 1980 à la dernière décennie du vingtième siècle, ont marqué profondément le monde contemporain. Dans un même souffle, on assiste au fil des pages à une illustration poignante, mais en même temps sans fard, du monde de l’édition et, en sourdine, de celui de la littérature. L’action commence en 1988 quand un groupe de jeunes désoeuvrés, des laissés pour compte de la course à la prospérité qui a accaparé l’époque, décident de tenter leur chance dans un monde qu’ils connaissent peu ou alors très mal. À l’aide du peu d’argent qu’ils empruntent à leurs parents ou à des amis, ils fondent leur propre maison : les éditions du Cardan. Ils ont gardé de fructueux contacts auprès des gens qu’ils ont connus pendant leurs études en littérature. Ils rêvent de fonder une maison où de jeunes auteurs pourraient être publiés sans qu’ils aient à passer par le moule déformant des maisons établies qui cherchent autant à rencontrer les goûts sans cesse changeants du public que de s’assurer des juteuses prébendes des subventions gouvernementales. Ils sont au nombre de quatre. Gilles, le doyen, est un maoïste autrefois convaincu, qui s’est rallié au capitalisme triomphant en même temps que tout le monde. Plus rien ne l’intéresse désormais que la perspective d’une carrière profitable et le domaine où il l’exercera lui importe somme toute assez peu. Jean et Renée, un peu plus jeunes, et « désespérément ensemble » dirait Gilles, acceptent de se lancer à l’aventure de concert, car ils ne sauraient accepter d’être séparés. Mélanie, quant à elle, toujours entre deux amants, ne trouve rien de mieux à faire que d’accrocher son char à celui de ses amis. Elle est en outre fortement encouragée à se procurer ce genre d’ancrage par son thérapeute, l’homme avec lequel elle aura gardé le plus long contact de toute sa vie. L’époque s’y prêtant, les premières publications du Cardan demeurent des ouvrages engagés. Mais, à la chute du mur de Berlin, les ouvrages de fiction publiés sont désormais systématiquement censurés ou expurgés de tout contenu politique qui ne se marie pas aux tendances de l’histoire. À peu près à la même époque, les conflits se dessinent entre les fondateurs, en grande partie à cause de la refonte des collections, alors que tout le volet théâtre est abandonné au profit des collections de romans d’espionnage à bon marché. De même, l’amitié qui avait uni le quatuor s’effrite. D’abord Jean et Renée, ne pouvant résister aux tentations amoureuses offertes par les cocktails et les lancements se sont laissés. Mélanie, surchargée par le travail qu’elle ne veut laisser à personne d’autre finit par tomber en dépression avant de commettre une tentative de suicide. Enfin, Jules finit par tout abandonner, mais non sans vider le compte de banque de la maison d’édition.
– Laurence Desmarais – 320 p. – 1993 – Faisant preuve d’un réalisme étonnant, l’auteur, qui a délaissé le théâtre pour l’occasion, nous offre ici une prestation étonnante qui ne laisse personne indifférent.
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