Fort Tiori
À la fin du XIXe siècle, en Afrique du Nord, un bataillon disciplinaire occupe une place forte dans un coin reculé des confins de l’Atlas. À peine un point sur les cartes d’état-major, Fort Tiori est pratiquement oublié. Il est utilisé comme ultime menace par les sous-officiers, et est devenu la destination finale de tout ce que l’armée française compte de fortes têtes. Les seuls à encore savoir où se trouve exactement le fort, ce sont les guerriers insoumis que les soldats de Tiori ont la charge de contrôler. Dans un endroit aussi isolé où les hommes n’ont d’autres contacts qu’entre eux, l’harmonie n’est pas aisée à maintenir, d’autant moins que, qu’il s’agisse des officiers, des sous-officiers ou de la troupe, personne n’y a la conscience bien nette. Aussi, les problèmes de discipline sont-ils nombreux. Ainsi, les hommes n’hésitent pas toujours à provoquer leurs supérieurs en leur rappelant des délits passés. La vie de garnison à Fort Tiori, n’est qu’un long ennui mettant à l’épreuve la résistance des plus déterminés. Cette interminable attente, qui ressemble davantage à une condamnation qu’à une affectation, n’est entrecoupée que par des incidents où les tempéraments, poussés à l’extrême limite, se déchaînent dans des éclats de violence dressant l’un contre l’autre deux soldats ou poussant dans des règlements de comptes sanglants des bandes entières. Un jour, une tempête de sable particulièrement violente se lève, obligeant les hommes à vivre, pendant quarante-huit heures, dans une dangereuse promiscuité. Les jours suivants, arrive au fort une caravane qui s’est perdue à la suite de la tempête et qui a malencontreusement dérivé trop au sud. Le chef de la caravane demande au colonel du fort de lui fournir une escorte afin d’assurer la sécurité de ses dromadaires et des femmes qui accompagnent la caravane. La veille du départ, des tractations inquiétantes se déroulent dans les baraques des hommes. Au matin, les officiers constatent avec soulagement que les « volontaires » pour la mission se sont tous présentés. La caravane s’éloigne, mais, au bout de deux jours de marche, les soldats s’emparent des richesses et des femmes, ramenant le tout au fort. Le colonel, risquant de se trouver débordé par une mutinerie, ferme les yeux sur ce crime, mais parvient à faire suivre un message à l’état-major. Devant l’odieux forfait, l’armée décide d’envoyer une expédition punitive contre les renégats. Fort Tiori ne tient guère longtemps contre l’artillerie, et seule une poignée de mutins parvient à s’enfuir. Ils rejoignent les pillards insoumis, croyant trouver refuge auprès d’eux, mais ils sont massacrés et leurs têtes sont envoyées à l’état-major en échange de quelques babioles.
– Esther Haszy et André Fusse – 672 p. – 1994 – Magistrale fresque à laquelle la rage et le désespoir servent de ciment, cette oeuvre puissante – sans doute la plus inspirée du couple de romanciers – campe des personnages à la fois sensibles et implacables qui, malgré le peu d’égards avec lesquels ils considèrent la vie humaine, demeurent incroyablement attachants au-delà de la crapulerie dont ils font l’effrayant étalage.
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