Ainsi Dieu
À l’aide d’une perspective historique, l’auteur démontre de manière convaincante que la place de la religion dans le monde contemporain n’est pas menacée, contrairement à ce que certains auraient pu croire avec le triomphe de la société postindustrielle, en Occident tout au moins. En effet, du point de vue historique, la constitution des pouvoirs à travers les siècles n’a jamais été possible, sauf en de très rares occasions, sans l’appui soutenu, sinon la mainmise, de l’élément religieux. Depuis l’aube des temps, la divinité, que son concept soit polythéiste ou monothéiste, a toujours été au centre de la dynamique sociale. L’auteur dresse un bref tour d’horizon en étudiant les trois principaux types de société que l’Occident a connus au cours de son existence. Avec des avancées et des retours en arrière, l’Europe a développé successivement des systèmes politiques théocratiques, aristocratiques et ploutocratiques. Chaque fois, l’aval du religieux était essentiel non seulement à la légitimité du pouvoir, mais aussi à l’exécution harmonieuse et systématique des fonctions sociales. Le nombre d’exceptions étant tellement restreint, il a bien fallu se rendre à l’évidence qu’elles ne pesaient que d’un poids extrêmement faible. Ce modèle s’applique encore mieux dans la sphère musulmane où, avec les résurgences périodiques de l’intégrisme, l’influence religieuse demeure incontournable. De même, au sein des dernières sociétés primitives de la planète, le pouvoir, essentiellement théocratique, est non seulement influencé, mais également exécuté par le domaine religieux. En deuxième partie de son ouvrage, l’auteur s’interroge sur les facteurs qui ont obligé jusqu’aux sociétés les plus évoluées du monde à garder vivante l’idée de la divinité, même après que les grandes transformations sociales et scientifiques aient battu en brèche non seulement l’idée de l’existence de cette divinité, mais également l’influence temporelle de ses zélotes. Or, ses réflexions l’amènent à conclure que, si le besoin collectif strictement religieux s’est effacé devant les découvertes de la science, si le besoin individuel s’est atténué quant aux questions morales, sinon eschatologiques, le besoin socio-économique a pris clairement le pas sur tous les autres. Le contrôle des masses, au plan social et non moral, se trouve facilité par une institution présente à tous les niveaux. Même si son influence morale s’est atténuée, son omniprésence la rend plus à même de rendre compte des mouvements intellectuels au sein des masses laborieuses. Cette fonction de courroie de transmission explique abondamment pourquoi la fonction religieuse, au sein de nos sociétés, a toujours entretenu une collusion si étroite avec les élites dominantes.
– Arthur Samise – 608 p. – 1994 – Rarement un ouvrage polémique aura été aussi soigneusement structuré que cet essai dû à la plume d’un éminent intellectuel qui, après une carrière éblouissante en Europe, a élu de s’installer au Québec.
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