Quand on est un empire aux prétentions hégémoniques, il est essentiel de distraire l'attention face à une telle réalité. Ne vous y trompez pas: ce n'est pas facile lorsque les institutions sociales, judiciaires et autres font la démonstration, jour après jour, de leur iniquité. Sur quoi se rabattre, alors, pour faire la leçon à autrui?
En plus, lorsque vous pilotez le bagne de Guantanamo, par exemple, et les autres prisons «noires» où sont détenus et torturés des gens dépouillés de leurs droits, ce n'est pas facile de reprocher à d'autres leur mépris envers les libertés individuelles.
Fort heureusement, avec leur semblant de système électoral, les Stazunis ont trouvé le bon prétexte: la démocratie. Ainsi, ils peuvent fustiger à l'envi les pays qui ne procèdent pas régulièrement à des élections.
Je dis «semblant», car il faut un nombre assez impressionnant de millions afin de parvenir à remporter le vote à un poste au sein de l'appareil législatif à Washington. Cet argent, vous imaginez bien, ne sort pas de la poche du candidat. Ceux qui en auraient les moyens ne perdent pas leur temps en d'éternelles palabres parlementaires.
Il faut dès lors au candidat trouver des commanditaires afin d'amasser les fonds nécessaires. Bien entendu, quelle que soit la contribution, c'est toujours à charge de revanche, de sorte que cette belle démocratie n'est en fait que le triomphe du grand capital, lequel n'est pas du tout démocratique, comme vous savez. Mais, ça, chut! Il ne faut pas le dire.
Bref, vous êtes en démocratie, alors fermez vos gueules!
La directrice d'une école chrétienne de Tallahassee, en Floride, a été contrainte de remettre sa démission. Pour quelle faute? Eh bien, figurez-vous qu'elle avait montré à ses élèves un des chefs-d'œuvre de l'art sculptural occidental, le fameux David de Michel-Ange.
Sitôt que certains parents surent la chose, ils ont fait pression sur les autorités afin que soit sanctionnée la responsable au prétexte qu'elle aurait montré de la pornographie à des enfants. Double ignorance, dans ce cas-ci. D'abord, la nudité n'est pas de la pornographie; ensuite, l'art n'en est pas non plus.
Ce qui fait un peu sourire, quant à cette question, est l'actualité faisant la manchette aux Stazunis en ce moment. En effet, le suspense y est savamment entretenu quant à savoir si l'ex-président Donald Trompe doit être ou non accusé de dépense électorale illégale alors qu'il avait payé une actrice active dans le domaine de la pornographie afin qu'elle taise la relation qu'ils avaient eue. Bref, selon qu'elle est idoine ou non, la pornographie peut avoir sa place dans l'espace public.
Une veine qu'aucune école yankee n'ait montré l'érection de la statue de Jésus…
La raison pour laquelle la justice yankee se retrouve coincée entre l'arbre et l'écorce est très simple.
D'un côté, les autorités ne veulent pour rien au monde condamner un ex-président, ce qui aurait pour effet de ternir le prestige de la plus haute distinction au pays. De l'autre, les Stazunis, qui se prétendent un État de droit – et théoriquement de justice –, ne peuvent laisser une personne enfreindre les lois impunément. Et c'est justement là l'essence du dilemme: on ne peut rien faire, mais on ne peut faire rien. Alors qu'est-ce qu'on fait? Pour l'instant on se contente de gagner du temps.
Paradoxalement, en politique, la meilleure façon de gagner du temps, c'est de le perdre.
