samedi 14 mai 2022

Pape immobile


 

vendredi 13 mai 2022

Catalogue

 


On dépose le pape


Au début de la Première Guerre mondiale, un des porteurs de la litière, quoique réformé à la demande du Saint-Siège comme tous ceux qui, au Vatican, remplissent une charge pour le pape, décide d’aller faire son service militaire. Aussi faut-il lui trouver un remplaçant. Un jeune prêtre romain, d’une moralité exemplaire, est choisi par les autorités compétentes. Après une formation rapide, du fait de l’urgence de la situation, il apprend comment porter le pape sur ses épaules. Il devient donc le témoin privilégié de toutes les apparitions publiques et, du même coup, l’idole de sa famille que, bien qu’habitant la proche banlieue romaine, il ne voit plus guère. Or, s’il est un acteur, bien modeste il est vrai, des manifestations de compassion étalées par l’autorité du Vatican au sujet de la guerre qui ravage l’Europe, il est également témoin de choses plus troublantes. Ainsi, il apprend que le Saint-Siège soutient, quoique discrètement, la cause des Empires centraux contre les Alliés, préférant épauler l’Autriche catholique contre les protestants anglais, les orthodoxes russes et les anticléricaux français. Dans le même temps, alors que son sens politique s’affine au contact des tractations dont les antichambres du Vatican sont le théâtre, il noue des contacts assez troubles avec des membres de la Curie, eux-mêmes liés au corps de gardes suisses. Progressivement, le jeune ingénu se familiarise avec un certain milieu formé de magouilleurs et de débauchés. Reconnu pour sa discrétion absolue, il est souvent recruté afin d’escorter des hommes importants lorsqu’ils s’absentent du Vatican pour leurs « affaires » personnelles. Apprécié pour sa jeunesse et sa beauté, le jeune prêtre est vite appelé à se joindre aux orgies auxquelles il finit par s’adonner avec un entrain et un abandon qui l’étonnent lui-même. Au matin, alors que sa conscience le taraude, il se retrouve le plus souvent sous la litière papale et, que ce soit réalité ou illusion, il sent à chaque fois l’absolution et la grâce du souverain descendre sur lui comme entraînées par la gravité. Sa conscience apaisée, il peut alors reprendre le train des fêtes, tandis que, le jour, sa dévotion, pourtant sincère, parvient encore à toucher son entourage. Alors que l’Italie entre en guerre aux côtés des Alliés, les appuis papaux envers les Centraux doivent se faire encore plus discrets, aussi des missions sécrètes sont-elles dépêchées depuis Rome vers Vienne. Souvent requis pour « organiser » ces missions, le jeune homme ne manque jamais de fournir le personnel féminin nécessaire pour donner le change aux douaniers suisses. 


 – André Fusse et Esther Haszy – 698 p. – 1998 – Délaissant le style qui a fait la renommée de ces deux auteurs, ils préfèrent se pencher ici vers le roman psychologique. Le résultat, certes inattendu, demeure extrêmement intéressant. Les détracteurs ont reproché à ce roman son caractère exagérément égrillard, ce qui, paradoxalement, a aidé à sa popularité.

Notre père qui êtes aux cieux [...] que votre reine arrive


 

mercredi 11 mai 2022

Démocratie, quand tu nous tiens bien



Qui n'est pas viscéralement attaché aux principes démocratiques? Rien n'est plus efficace afin de maintenir le statu quo que ce système, une fois que ce dernier est bien dévoyé par l'argent. En exigeant des millions et des millions afin de mener des campagnes électorales, il s'opère de facto une sélection parmi les candidats, de sorte que ce ne sont pas forcément les plus compétents – et encore moins les plus honnêtes – qui sont élus. En effet, il est avéré que, dans la large majorité des cas, ceux qui dépensent le plus d'argent afin de promouvoir leur candidature sont effectivement gagnants dans les urnes. Bref, en l'état actuel des choses, une élection est une question de pognon.


Songez un peu au tout récent exemple des Philippines. En 1986, Ferdinand Marcos Ier, le mari d'Imelda, est chassé du pouvoir par une contestation populaire après des élections truquées; l'argent peut aussi servir à cela. Il faut dire que sa présidence avait été marquée par la corruption et la mauvaise gestion, ce qui avait entraîné, on s'en doute, une forte grogne populaire.


Voici que son fils, Ferdinand II, vient d'être élu à la présidence avec une écrasante majorité. Dans son entourage, on compte les mêmes clans politiques qui avaient appuyé son père à l'époque. Bref, le peuple philippin n'en a pas eu assez d'une première rincée, il lui en faut une deuxième qui risque fort d'être gratinée.


Paradoxalement, la démocratie ne sert pas seulement de paravent à la corruption et à la gabegie. Elle peut aussi masquer des dictatures particulièrement violentes, comme c'est le cas en Ukraine. Nombre d'analystes se récrient lorsque des critiques mentionnent la présence de néonazis au pouvoir à Kiev. Ils en veulent pour preuve le faible nombre de députés d'extrême droite présents en chambre. Or, ces experts semblent avoir perdu de vue l'un des traits principaux du fascisme: ce dernier n'a cure de la composition des parlements. Il se contente d'agir, comme lors du massacre à Odessa en 2014, ou au Donbass par obus interposés, avec des disparitions d'opposants, l'abolition de droits civiques et la suspension des partis d'opposition, la plupart de gauche. Ce genre de choses qui se passe avec l'aval d'un gouvernement, fût-il de prétention démocratique, est effectivement la marque de l'extrême droite.


Les peuples semblent adorer l'extrême droite. Est-ce une passade propre à certaines époques? 


Peut-être.


Une chose est sûre, cela n'a rien à voir avec une situation géographique. Il n'y a qu'à constater ce qui se prépare au sein même de l'Union européenne de nos jours.



Catalogue

 


Nuage noir


Sur le circuit Gilles-Villeneuve, un homme s’entraîne quotidiennement à vélo. Athlétique, il aime se griser de vitesse. Chaque jour le ramène en ce lieu où, grâce à l’effort physique, il parvient non seulement à oublier, mais également sublimer, ses soucis professionnels et sentimentaux. De plus en plus aliéné dans son travail – il est cadre intermédiaire dans un bureau d’ingénieur – , il craint d’être acculé à une mise à pied aussi proche qu’inévitable. En même temps, sa femme, qu’il soupçonne à juste titre d’infidélité, menace de le quitter et d’emmener leur fils et l’essentiel de leurs possessions. Ne trouvant d’évasion que dans la pratique du vélo, il se livre à cet exercice avec de plus en plus de détermination, presque de l’acharnement, à mesure que l’étau des contraintes se referme sur lui. Cette pratique physique prend, au fil des jours, une dimension spirituelle alors que la piste, fraîchement refaite, devient son interlocuteur avec lequel il partage le fruit de ses méditations et l’essentiel de ses craintes. D’abord en son for intérieur, puis à haute voix, le cycliste entame avec la piste un étrange monologue où, à chaque kilomètre, il raconte non plus seulement ses craintes et ses troubles, mais également où il se livre tout entier, sans tricherie ni fausse pudeur. Progressivement, cet étrange rapport devient davantage intime alors que, littéralement aspiré dans un état second, le coureur a l’impression que la piste l’entoure comme le ferait un nuage noir irradiant une chaleur qu’il ne trouve plus nulle part auprès des humains. Un jour, au creux du nuage, une voix l’appelle. Il s’engage alors entre lui et cette voix lointaine un dialogue curieux où les pensées du cycliste sont anticipées par la voix qui, apparemment, écoute sa complainte solitaire depuis un certain temps. Graduellement, la voix prend corps. Les pressions extérieures le rebutant de plus en plus, le cycliste étire ses sessions d’entraînement, prolongeant le dialogue avec la créature du nuage noir. Bien qu’il soit durement éprouvé par les circonstances, son attitude devient de plus en plus sereine envers et contre tout. Alors que ses collègues et sa femme, décontenancés devant son comportement apparemment déconnecté de la réalité, songent sérieusement à le faire interner, le cycliste multiplie les escapades au cours desquelles son entourage cherche en vain à le localiser. Pendant ce temps, le personnage du nuage prodigue au coureur son réconfort, dont le principal est de venir habiter le nuage avec lui, ce que le cycliste ne peut se résoudre à faire. Alors qu’il est dépossédé de sa maison, de sa famille et de son travail, il comprend que sa liberté est même menacée. La police retrouve son vélo abandonné sur la piste Gilles-Villeneuve.


 – Jules Monette – 222 p. – 1995 – Moins un récit que l’établissement d’un climat, ce roman a été annoncé par la critique comme représentant à lui seul la renaissance du « nouveau roman » québécois. Devenu un incontournable en études contemporaines, il a longtemps été l’ambassadeur de notre littérature à l’étranger.

mardi 10 mai 2022

Tuez-les tous! Dieu reconnaîtra les siens.*




Laissez-moi vous présenter Yahya Sinwar. Il est le chef du Hamas, un mouvement palestinien actif principalement dans la bande de Gaza où il résiste au sionisme israélien. Nombre de pays ont déclaré ce mouvement terroriste de ce fait, et aussi parce qu'il se réclame comme étant résolument musulman.


En conséquence, faut-il s'étonner que tout le monde, en Israël – politiciens, journalistes et autres –, appelle à l'élimination physique de M. Sinwar, que ce soient des voix de la gauche ou de la droite, pour ne rien dire du centre?


Non, bien sûr. 


S'il n'en tenait qu'au sionisme le plus strict, celui qui fut développé dans le cadre du fameux «Grand Israël», il n'y aurait personne qui ne soit juif subsistant entre le Nil et l'Euphrate, entre l'Oronte et la mer Rouge. 


Alors, un Yahya de plus ou de moins, vous pensez…



Projet sioniste du «Grand Israël»




* https://www.histoire-en-citations.fr/citations/arnaud-amaury-tuez-les-tous-dieu-reconnaitra-les-siens

lundi 9 mai 2022

Catalogue

 


La nounou du chien malade


Les Auppell, l’aïeule, les grands-parents, leur fille et son mari, et les enfants de ces derniers, forment une famille cossue et en sont rendus à s’ignorer la plupart du temps. Dans cet univers étouffant où les parents n’arrivent plus à se faire respecter de leurs enfants, quatre générations cohabitent dans une atmosphère glaciale où les attitudes, les comportements et les façons de faire sont, semble-t-il, figées pour toujours. Le seul membre de cette famille qui tient lieu de trait d’union pour cette humanité désarticulée est le chien de la maison. Or, un jour, l’animal tombe malade. Bien que la famille s’en trouve ébranlée, personne ne pense un instant changer d’attitude, mais l’inquiétude demeure tangible. Le vétérinaire que l’on fait venir à fort prix, de peur qu’un déplacement n’empire l’état de l’animal, diagnostique une maladie assez grave exigeant des soins constants. Dans la plupart des cas, explique-t-il, le seul traitement est l’euthanasie. Mais, devant les protestations que soulève la famille, il explique que, avec un traitement coûteux, il est possible de soigner le chien. Aussi suggère-t-il d’engager une infirmière, une jeune stagiaire en médecine vétérinaire qui, à ce moment-ci, a besoin d’un travail afin de compléter ses études. Dès son arrivée, la jeune femme ne laisse personne indifférent. Fort jolie, elle charme les hommes de la famille au grand déplaisir des femmes. Si la cadette se réjouit pendant un temps de la présence d’une personne à peine plus vieille qu’elle, elle prend vite la mouche lorsqu’elle constate l’intérêt de son père pour la nouvelle venue et qu’elle commence, à l’instigation de sa mère et de sa grand-mère, à craindre pour l’héritage. L’hostilité envers l’étudiante grandit en sourdine, car le sort du chien rejette au second plan toutes les autres considérations. Cependant, dans le secret de leur coeur les Auppell attendent avec impatience le plus petit signe de rétablissement de l’animal afin de mettre l’intrigante à la porte. Or, un soir où la tension est à son comble, l’altercation éclate entre la mère et la jeune femme. Alors que l’échange devient de plus en plus virulent, le clan apprend avec stupéfaction que la jeune femme est enceinte d’un des deux hommes de la famille, mais, satisfaite de son effet, refuse de préciser lequel. De difficile, la vie dans la grande maison devient rapidement intenable. De guerre lasse, la famille accepte de donner à la jeune femme un substantiel montant d’argent afin qu’elle aille se faire avorter, qu’elle ne remette plus jamais les pieds chez les Auppell et, surtout, qu’elle garde le silence sur toute cette affaire. Comme par miracle, le départ de la stagiaire semble permettre à cette famille déchirée de reprendre un semblant de vie normale. Un après-midi qu’ils ont décidé très exceptionnellement d’aller faire des courses au chef-lieu, ils aperçoivent la stagiaire et le vétérinaire occupés à rouler une poussette devant eux.


 – Marina Sionnal – 296 p. – 1990 – C’est avec une patience d’horloger que l’auteur démonte ici les rouages d’une famille dysfonctionnelle auxquels l’intrigue ne sert finalement que de révélateur, mais un révélateur dangereusement efficace.

dimanche 8 mai 2022

Tiocfaidh àr là*

 



Il y a, comme ça, des élections qui passent totalement sous le radar. Ce n'est pas étonnant lorsqu'une guerre qui peut tout à fait dévisser en holocauste nucléaire fait rage.


Pourtant, ce qui s'est passé en Irlande du Nord est historiquement très significatif. En effet, avec en arrière-plan un Brexit des plus impopulaires, le parti des catholiques nord-irlandais, lesquels ont longtemps constitué une minorité, est sorti vainqueur du scrutin. Certes, par une marge très mince, mais il est significatif que, afin de préserver la paix et de contrer les effets délétères du Brexit, il dût y avoir des protestants nord-irlandais qui votèrent pour le parti voulant unir l'Ulster à la république d'Irlande.


L'île d'émeraude est-elle en voie d'être unie et indépendante pour la première fois depuis un millénaire? Espérons que ce jour viendra, ne serait-ce que pour montrer aux indépendantistes de tous les pays que la patience dans l'acharnement finit par payer.




* Notre jour viendra