vendredi 26 août 2022

Catalogue

 


L’écart rapace


Série d’entrevues menées auprès de plusieurs auteurs connus – dont entre autres Henri Tournel, André Fusse et Esther Haszy pour ne nommer que ceux-là – au cours desquels ils se livrent eux-mêmes, ainsi que quelques-uns des secrets de leur art. L’accent est cependant mis sur la notion d’« écart » qui est, pour ces auteurs à tout le moins, un incontournable de leur carrière. En effet, cet écart est celui existant entre l’oeuvre de l’écrivain et la réalité qui l’entoure. L’écart est évidemment essentiel afin de maintenir une distance entre l’auteur et la fiction qu’il génère, cette distance étant en quelque sorte un terreau fertile d’où il tire à la fois son inspiration et la caution dont il a besoin afin de s’exprimer librement. La liberté d’expression étant indissociable du métier d’écrivain, même au sein de dictatures répressives où les auteurs appuyés par l’État expriment, là aussi, librement leurs opinions, lesquelles ont simplement l’heur de concorder avec les vues du pouvoir. Mais au-delà du rôle de « coussin » que remplit l’écart, l’auteur fouille celui-ci afin d’y découvrir une identité inconsciente qui l’habite. C’est dans cette optique que l’écriture est souvent qualifiée de « thérapeutique » par certains experts de la santé mentale, car, effectivement, elle sert non seulement d’exutoire aux angoisses et aux passions sécrètes, mais elle est également, par sa propre symbolique, un révélateur de l’inconscient du scripteur lui-même. C’est dans cette optique assez unique que les auteurs interrogés se révèlent, sans pudeur, mais sans fausse honte non plus, afin de faire partager, par cet exercice qui ressemble presque à une thérapie, une facette méconnue de leur personne. Individu secret et mystérieux, l’écrivain est également utilisé, dans les faits, par cet écart qu’il ne contrôle jamais entièrement. Comme chaque individu, à un degré ou à un autre, possède une dimension cachée, sa part inconsciente, l’écart parvient, chez plusieurs auteurs, à s’accaparer cette portion indécise du créateur et à la façonner selon les besoins de l’oeuvre à produire, de sorte que l’écrivain est toujours un peu en rapport intime avec les personnages qu’il décrit. Non pas que cela relève d’une part intrinsèque de sa propre personnalité, mais, à l’instar des comédiens, il doit constamment avoir en lui une portion vierge qui peut se prêter, telle une glaise docile, selon les circonstances exigées par la création. En définitive, si l’écart est fertile pour l’auteur, il n’hésite pas en retour à poser ses exigences auxquelles ce dernier est obligé de céder s’il veut pouvoir donner libre cours à son inspiration et à sa liberté de création. En quelque sorte, l’écart rapace, s’il est garant de la liberté du créateur, en limite quand même la portée.


 – Elsa Moncelet – 208 p. – 1995 – L’auteure a réuni ici les transcriptions d’interviews informelles qu’elle a menées auprès d’écrivains connus. Elle a choisi, pour le plus grand bonheur des lecteurs de s’effacer pour laisser pleinement la parole à ses invités.


jeudi 25 août 2022

Convivial CAnada




Vous souvenez-vous de l'époque où le CAnada était présenté comme le pays de la mesure et de la neutralité? Autrefois, il faisait figure d'arbitre sur la scène internationale, dès lors qu'il était nécessaire de trouver un non-aligné afin de maintenir la paix dans une région du monde où les tensions étaient exacerbées.


Évidemment, cela n'était rien de plus qu'une jolie image d'Épinal. Dans les faits, le CAnada était déjà le digne pantin des Stazunis, après avoir été longtemps celui du Royaume-Uni. On pourrait dire qu'il avait des références solides, pourvu que son manque d'initiative et que la fidélité de son service soient concernés. Cette poudre aux yeux était une parure utile pour ceux qui tiraient effectivement les ficelles en coulisse.


Mais désormais le masque est tombé. Le CAnada n'est plus le neutre pur et juste de jadis. Maintenant, il est le partenaire fidèle des puissances occidentales dans leur marche vers l'asservissement de la planète. Suppôt indéfectible des Stazunis contre les ennemis de ces derniers; partenaire majeur de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN); acheteur avide d'armes yankees, il est aussi un fabricant et exportateur d'équipements militaires pour les dictatures pro-occidentales.


Comme il ne peut se tenir debout tout seul, ce même CAnada qui ne demande pas mieux que d'empiéter sur la souveraineté de pays plus faibles que lui, reconnaît d'emblée que ses «amis» plus puissants ont le droit d'empiéter sur sa propre souveraineté. Ainsi, incapable de garantir le contrôle qu'il est censé exercer sur le Grand Nord contre les Chinois et les Russes, il est tout disposé à abdiquer, en partie du moins, sa mainmise à de plus forts que lui; c'est-à-dire les Stazunis.


Mais comme il faut tout de même préserver les apparences, on ne dira pas que ce sont les Yankees qui prennent le contrôle à sa place. On dira que c'est l'OTAN.


Ça fait plus convivial; et c'est tellement cAnadien.


mercredi 24 août 2022

Catalogue

 


La démocratie du prolétariat


Essai politique fruit des méditations de celui qui a longtemps été surnommé le « dinosaure de la gauche » par l’intelligentsia européenne à la suite de la chute du mur de Berlin et du socialisme en Europe orientale. Autrefois le plus ardent défenseur des idéaux communisants, l’auteur a été depuis sévèrement pris à partie pour son manque d’ouverture et son attachement aveugle à une doctrine politico-économique utopique. D’entrée de jeu, l’auteur démonte le discours dénigreur de ses critiques, affirmant, avec preuves à l’appui, que le discours néo-libéral de la fameuse mondialisation des marchés et de l’économie globale est un amalgame idéologique encore plus utopique que celui proposé par la gauche. Dans un deuxième temps, conscient des critiques adressées aux défuntes démocraties populaires, il propose un modèle renouvelé de socialisme incorporant, sur le plan politique, une structure électorale. Cependant, comprenant l’impossibilité de voir subsister un socialisme miné – pour ne pas dire saboté, comme l’ont démontré au cours du siècle tous les gouvernements de front populaire – par la présence de partis bourgeois, il suggère une démocratie suivant le style en pratique aux États-Unis où, essentiellement, deux tendances ont le loisir de s’exprimer à l’intérieur d’un même système électoral. Ce dernier, placé sous l’égide exclusive d’un parti communiste, voit ainsi s’affronter les tendances au sein de la gauche, excluant les options politiques qui menacent de nuire au bien-être de la majorité, c’est-à-dire les classes laborieuses. Le modèle propose la création de deux pouvoirs, agissant en parallèle avec le Parti, à savoir un corps législatif élu selon le mode occidental par le biais d’élections au suffrage universel, et un corps exécutif, également élu, mais par le biais d’un suffrage restreint, semblable au collège électoral qui élit le président des États-Unis. La troisième partie de l’ouvrage emprunte une voie plus théorique où l’auteur reprend un à un les thèmes centraux du marxisme-léninisme afin de mettre en lumière leur actualité malgré le passage des années et afin de démontrer que leur échec n’a été dû, en fin de compte, qu’à une mauvaise compréhension de leur essence par les dirigeants soviétiques et aussi à un manque de moyens pour les mettre en pratique causé par la destruction des infrastructures industrielles et agricoles en U.R.S.S. au cours de la Deuxième Guerre mondiale. L’auteur intègre en outre certains concepts empruntés au trotskysme où la mondialisation des principes révolutionnaires supplante la notion de mondialisation des marchés et vient compenser l’omnipotence d’un capitalisme débridé qui ne peut déboucher que sur le gaspillage des ressources et sur la subjugation d’un nombre croissant d’êtres humains. 


 – André Libbe – 364 p. – 1998 – Émouvant plaidoyer en faveur de la justice, et mise à jour éclairée de concepts longtemps tenus pour archaïques. Cet essai, qui a été désavoué par le Parti communiste français, demeure pourtant aujourd’hui une référence incontournable de la gauche renaissante.

mardi 23 août 2022

Banques sans tralala


 

lundi 22 août 2022

Catalogue


 

Le cynique des abusés


Écrivain prolifique, Henri Tournel est avant tout un des témoins privilégiés de la seconde moitié notre siècle. Ayant atteint la renommée dans la presse écrite et parlée, il a été de tous les grands événements qui, depuis le débarquement de Normandie jusqu’à la révolution islamique en Iran, ont ébranlé et marqué le siècle, en même temps qu’ils ont forgé l’histoire. Dans le présent essai monsieur Tournel nous livre, dans une langue claire et précise, une vision lucide et sans complaisance des coulisses des grands moments de l’humanité, tel qu’il a été assez privilégié de les vivre. À la fois doux et amer, il raconte sans complaisance ce siècle qui a en même temps été sa vie. S’agit-il véritablement d’un essai ou d’une autobiographie, il résume ainsi sa dernière fournée : « Le livre d’une vie, comme seul un livre peut rendre une vie. » Il s’applique surtout à expliquer comment ses illusions de jeunesse ont été systématiquement détruites, les unes après les autres, au contact des faiseurs de nouvelles eux-mêmes, et, surtout, des cercles du pouvoir où ils évoluent et où, bien souvent, les véritables décideurs sont ceux que l’on ne voit jamais en public. Ce cheminement douloureux, dont il ne cache rien, ni les angoisses existentielles – il a bien connu Jean-Paul Sartre – ni les profonds questionnements à la fois moraux et politiques – n’a-t-il pas été l’un des seuls intellectuels européens à appuyer le combat des brigades rouges en Italie ? – ne sont ici passés sous silence. Au fil des années, à mesure que sa célébrité croissait tant en France qu’aux États-Unis, cette longue et difficile prise de conscience a fait de lui le « Cynique par excellence » (également le titre d’un de ses romans). Les abusés, quant à eux, ne sont nul autre que monsieur et madame Tout-le-monde qui, par la force d’un système sociopolitique aveugle et élitiste, n’ont d’autre choix que de placer leur confiance dans ces dirigeants qu’on leur impose et qui ne sont jamais plus que de simples gérants, tandis que les véritables maîtres tirent tranquillement les ficelles dans l’ombre. Ainsi, le peuple est-il mené par des argotiers sans scrupules qui, au nom du bien public dont ils ne se soucient jamais, en profitent pour fouler au pied les principes les plus élémentaires de la dignité humaine. Selon monsieur Tournel, seule une prise de conscience permettrait de changer la donne politique des sociétés occidentales et de permettre à un véritable principe démocratique de fleurir. Cependant, un tel processus exigerait une responsabilisation collective dont semblent incapables les masses occidentales, trop habituées à laisser les maîtres du jeu penser à leur place. 


 – Henri Tournel – 184 p. – 1989 – À la fois message d’espoir et constat d’échec de toute une époque, cet essai a valu à son auteur les plus beaux éloges et les pires condamnations, tant à droite qu’à gauche de l’éventail politique.