samedi 17 septembre 2022

La brave petite



Le décès d'Elizabeth Deux fut fort opportun pour le Royaume-Uni. En effet, le pays vient de se doter d'un nouveau premier ministre en la personne de Mme Liz Truss, ce qui est toujours un moment d'instabilité sur le plan politique, surtout si l'on tient compte des conditions qui ont contraint son prédécesseur à la démission.


En outre, les sanctions que les Britanniques ont imposées à la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine ont fait grimper le coût de la vie. À tel point qu'une grogne palpable agitait la nation britannique et que les élites commençaient à exprimer leur inquiétude.


Tout cela sans compter les éternels problèmes inhérents au Brexit, en particulier la question de l'Irlande du Nord et les relations commerciales avec le continent.


Bref, le Royaume-Uni s'apprêtait à faire face à une triple crise, à la fois politique, sociale et économique.


Fort opportunément, la souveraine décida, dans un ultime don de sa personne, de passer de vie à trépas, mettant du même coup de côté, tout au moins pour un temps, les tensions qui promettaient un automne difficile pour le gouvernement. 


C'est ainsi que l'on a vu des files d'attente interminables s'étirer afin de rendre hommage à la souveraine dont la dépouille fut exposée en chapelle ardente. Cela fit que, aujourd'hui, les autorités ont demandé à la population de ne pas aller sur place, à Westminster Hall, afin de rendre hommage à la défunte.


À défaut de s'être sacrifiée pour son peuple, Elizabeth se sera sacrifiée pour ces élites financières auxquelles elle appartenait corps et âme, contribuant ainsi au système socioéconomique qui l'a maintenue sur son trône douillet pendant sept décennies.


Et elle n'avait même pas dérangé les gens pour se faire élire.


Brave petite.





* Il n'en a pas vu non plus au bureau des passeports.


 

vendredi 16 septembre 2022

Catalogue


 

Jamais les morons ne m’auront


Il s’agit d’un essai critique de toute la société contemporaine qui, avec la disparition de ses derniers projets collectifs, plus ou moins liés à l’idéal social-démocratique, s’est enfoncée dans ce que l’auteur appelle la « médiocrité symbolique ». D’entrée de jeu, il met en évidence les nouvelles valeurs de la société postindustrielle, tant au Québec qu’ailleurs en Occident, et, en les poussant à leur logique ultime, prouve par son analyse qu’elles sont littéralement nivelées par le bas. Il ne s’agit pas pour autant d’un essai à strictement parler politique, car l’auteur applique son modèle tant au monde du sport qu’à celui des arts, et en arrive essentiellement aux mêmes résultats. Dans cet affaiblissement général des référents collectifs où l’être humain ne se voit plus offrir qu’une réalité vide et insipide, préfabriquée afin de répondre à des canons la plupart du temps fortement influencés par l’impérialisme culturel états-unien, l’être humain est condamné à une dégénérescence intellectuelle à peu près inévitable. En effet, de moins en moins la société cherche-t-elle à élever le niveau intellectuel de la population. Le retrait étatique de la plupart des champs culturels, la compression des enveloppes budgétaires consacrées à l’éducation, le peu de ressources réservées aux artistes créateurs n’en sont que quelques manifestations tangibles. À travers la philosophie libérale prônée depuis la fin des idéaux socialisants, c’est toute la mise en tutelle de l’imaginaire qui apparaît en filigrane. Ainsi, la population privée des stimuli nécessaires à une élévation des grands débats collectifs se voit de plus en plus dépendante de ses leaders d’opinion, lesquels lui sont également imposés, tout comme les schèmes de pensée qui deviennent les référents illusoires, et transitoires, des prises de position collectives. Dans cette optique à la limite de la non-existence intellectuelle, de nouveaux intervenants prennent le devant de la scène dans tous les champs d’activité. Qu’il s’agisse du domaine économique, social ou artistique, les nouveaux porte-parole sont sélectionnés uniquement en fonction de leur adhésion aux valeurs mises de l’avant par la « médiocrité symbolique ». À la fois sanctionnés par une espèce d’« imprimatur » nouveau genre, et consolidateurs du nivellement par le bas, ils évacuent et ridiculisent tous les discours alternatifs qui peuvent, d’une manière ou d’une autre, remettre en question le discours dominant. Si, dans certains milieux, la contestation n’est pas encore morte, ces milieux, isolés sciemment par l’ensemble des soi-disant experts, se retrouvent acculés à une sorte d’élitisme qui les coupe des contacts avec l’ensemble de la communauté où elles évoluent. 


– Laurent Daulnay – 220 p. – 1989 – Érudit ayant participé à tous les grands débats sociaux qui ont marqué le Québec depuis les années 1960, l’auteur livre ici en quelque sorte son testament moral, qui ne manquera pas de devenir une pièce d’anthologie.


mercredi 14 septembre 2022

Tension rétention

 


Faudrait Rivoire



En cette époque où les délits de pédophilie de la part de membres du clergé catholique sont de plus en plus décriés, on s'attendait à mieux. Le pape lui-même, dernièrement, n'avait pas hésité à vilipender les auteurs de tels actes. Mais, bien évidemment, il ne s'agissait de sa part que de paroles en l'air qu'il n'était certes pas question de faire suivre par des actes tangibles.


Tout récemment, une délégation inuite est allée en France demander au ministère de la Justice, là-bas, de permettre l'extradition d'un prêtre français accusé d'agressions sexuelles sur de jeunes autochtones au cours des années 1960. Malgré une série de plaintes et d'accusations déposées contre Joannès Rivoire, cette demande d'extradition a été refusée. Sous quel prétexte? La justice française ne s'est pas cassé la noix pour trouver une excuse: «La France n'extrade pas ses nationaux.» Étant donné que Rivoire possède la double nationalité (française et cAnadienne), il serait possible de considérer que la France puisse extrader un CAnadien. Mais pour cela, il faudrait un peu de bonne volonté.


Et puis, aux yeux des élites politiques, qu'est-ce que quelques agressions sexuelles? Ce n'est pas comme si Rivoire était un journaliste qui dénonce les abus du pouvoir. Si cela avait été le cas, je suis sûr que Paris aurait trouvé une excuse pour le foutre dehors.




 

Catalogue


 

« Il mourut néanmoins lorsque vint la neige. »


À partir de cette citation tirée de l’oeuvre de Robert Louis Stevenson Le maître de Ballantrae, l’auteur Peter Elliott Wettohle, philosophe et linguiste britannique, entreprend de remonter aux sources de la science du langage. Il prend d’abord une approche historique afin de décrire les origines de la langue écrite. Wettohle explique que le calcul précède l’écriture en ce sens que les premiers vestiges écrits que l’humanité ait laissés étaient les comptes que les Sumériens tenaient scrupuleusement. C’est donc à partir des livres de compte que l’écriture a fini par germer en se distinguant, sans doute grâce à un processus extrêmement lent et progressif, de la consignation pure et simple des valeurs marchandes. En même temps que leur étonnante divergence, c’est l’étroite complémentarité entre mathématiques et écriture qui les unit dans l’inconscient collectif et qui a fait de cette double invention – qui n’en est finalement qu’une seule, selon Wettohle – la plus grande réalisation du génie humain. C’est ensuite dans le champ de l’étymologie que se poursuit la démonstration alors que l’auteur explique que, en fait, écriture et mathématiques ne sont que deux branches, deux excroissances, de la même invention originale. Mais ces deux branches ont évolué en suivant des paramètres clairement différenciés, quoiqu’étroitement complémentaires. L’auteur démontre que, dans tout système de représentation, il existe la syntaxe, c’est-à-dire la structure, et la sémantique, c’est-à-dire le sens. En renvoyant dos à dos syntaxe et sémantique, il illustre que ces deux concepts représentent extrêmement bien, respectivement, les mathématiques et l’écriture. Dans le cas des mathématiques, leur logique formelle, dont on se sert bien souvent pour représenter des réalités inaccessibles ou totalement théoriques, repose sur une syntaxe stricte. Cette dernière fait figure de cadre à l’intérieur duquel les scientifiques peuvent faire évoluer des sémantiques variables et spéculatives, tels des univers à dimensions multiples, où le sens est littéralement créé par la syntaxe. À l’inverse, l’écriture est fondée avant toute chose sur le sens qu’elle renferme et si la syntaxe de la langue existe bel et bien, elle n’est qu’un aspect secondaire face à la sémantique, à tel point que, au cours de l’évolution d’une langue donnée, c’est le plus souvent le sens qui détermine les paramètres de la syntaxe. Les aspects les plus fascinants à la fois de l’écriture et des mathématiques découlent des expériences respectives auxquelles on les soumet et où des chevauchements, tels le degré zéro de l’écriture ou l’invention de langages mathématiques, permettent à ces deux disciplines de remonter à leur origine commune lointaine.


 – Peter Elliott Wettohle – Première publication : 1987 sous le titre Ballantrea Act – traduit de l’anglais par Janine Neely – 602 p. – 1990 – Sur un ton humoristique typiquement anglais, l’auteur démontre non seulement la parfaite complémentarité entre deux systèmes de représentation, mais également son exquise maîtrise de l’écriture.


mardi 13 septembre 2022

Trudisme 101

 


lundi 12 septembre 2022

John jam


 

Catalogue

 


La gluance visqueuse


Essai décapant et satirique attaquant le monde de la sculpture, et en particulier les individus qui se prétendent des experts. L’auteur ne se cache pas – bien au contraire – pour s’afficher comme grand pourfendeur du snobisme et de l’élitisme hermétique qui entache actuellement – et peut-être depuis toujours – le monde de l’art. Il s’en prend surtout au rôle que les connaisseurs se sont arrogé, critiquant en fait leur refus systématique d’éduquer le public afin d’en affiner ses goûts en la matière. Selon lui, les critiques préfèrent de loin monopoliser la connaissance afin de s’approprier le droit unique, plein et entier de décider de ce qui ne se vendra pas, de ce qui trouvera acheteur et, surtout, à quel prix. L’auteur attaque particulièrement le rôle double et toujours ambigu de ces critiques qui servent en même temps de courtiers et d’experts. Il apporte d’ailleurs à l’appui de ses attaques quantité d’exemples prouvant que la supposée expertise de la plupart est d’autant plus douteuse que quantité de fraudes, que ce soit sur le marché de l’art ou dans le domaine muséologique, n’ont pu être rendues possibles que grâce à l’ignorance et au manque de discernement de ces experts qui, malgré tout, n’ont jamais été sanctionnés. Ainsi, l’auteur démontre que la sculpture, entre autres formes d’expression, est de moins en moins une affaire d’art ou même d’argent, mais surtout un vecteur garantissant le statut social d’une élite plus ou moins au fait, plus ou moins éduquée elle-même, mais totalement obnubilée par sa soif de pouvoir. Dès lors, cette élite ne cherche nullement à favoriser la recherche artistique, ou l’émergence de nouveaux genres, mais uniquement à perpétuer le contexte qui a permis à un groupuscule de s’approprier le monopole de l’évaluation et de la distribution des oeuvres. Sur ce chapitre, l’auteur est particulièrement acerbe lorsqu’il décrit, non comme des cas isolés, mais comme une pratique usuelle, le fait d’écarter systématiquement des vernissages et du mainstream de la sculpture de nouveaux artistes qui, bien que prometteurs, refusent de recourir aux services et, surtout, aux avis éclairés de la poignée de soi-disant critiques qui dictent à eux seuls les goûts de la masse et décident entre eux de l’orientation de la recherche artistique. À titre de preuve, l’auteur présente le cas véridique où, sous le couvert d’un prête-nom, il a exposé dans une galerie renommée des amas de silicone simplement jetés, la veille du vernissage, au hasard des présentoirs, « oeuvre » qui lui a valu des critiques dithyrambiques. Il présente en annexe une revue de presse et des lettres de félicitations signées par certains des critiques les plus en vue. L’auteur est journaliste dans un important hebdomadaire montréalais.


 – Guy Aumet – 218 p. – 1996 – La plupart de ses détracteurs ont reproché au journaliste son manque de mesure quant au ton employé dans cet essai. Cependant, aucun d’entre eux n’a jamais tenté de répondre aux arguments qui y sont présentés. Comme le mentionnait l’auteur lui-même à l’émission Lecteur, sur les ondes de Radio-Canada : « Qui ne dit mot, consent. »

Bonsaï!




 

dimanche 11 septembre 2022

Le prochain râtelier

 



C'en est désormais fait de la course à la chefferie du Parti conservateur du CAnada. Elle s'est conclue par une victoire sans appel du favori, M. Pierre Poilievre, qui, dès le premier tour, a récolté plus de 68% des suffrages, laissant loin derrière celui qui était considéré comme son plus proche rival, M. John James Charest.


Quant à ce dernier, ex-chef du Parti conservateur du CAnada, en 1995, puis chef du Parti libéral du Québec (PLiQ), puis premier ministre et enfin médaillé de diamant de la reine Elizabeth, en 2012, ses admirateurs se demandent quelle sera désormais son orientation.


À date, un des rares râteliers auquel il n'a pas encore mangé est celui du Parti libéral du CAnada (PLiC). Peut-être serait-il un peu prématuré d'y tenter une percée à l'heure actuelle, puisque M. Charest est plus bleu que rouge, en ce moment. Mais il est toujours possible pour lui de recourir à une approche indirecte.


Je me demande comment il pourrait faire.