mercredi 7 septembre 2022

Catalogue

 


La force fait l’Union


Stanislas Lebrodkin demeure le diplômé le plus célèbre de l’université de Bielgorod. Ses prises de position bien connues l’ont mis au ban des intellectuels pendant les derniers temps du pouvoir soviétique. Réfugié en France à la fin des années 1980, il a assisté à l’effondrement du socialisme en Europe de l’Est. Considéré également à l’Ouest comme un dissident pour ses opinions, il a dû, après un bref séjour aux États-Unis, trouver refuge au Canada où ses écrits et son enseignement continuent à embarrasser l’ordre établi. Son dernier ouvrage constitue un réquisitoire décapant à l’encontre du capitalisme sauvage. Lebrodkin esquisse une étude historique étonnante et analyse, chiffres à l’appui, la qualité de vie des travailleurs dans cinq des principaux pays de l’Occident, soit les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie. Avec une pondération nécessaire dans le cas de l’Allemagne, qui a dû se relever de deux terribles défaites militaires, Lebrodkin démontre que les conditions de vie des plus défavorisés des pays capitalistes se sont effectivement grandement améliorées depuis le début du siècle à venir jusqu’à tout récemment. Au cours des années 1990, les contraintes de l’économie globale voient le pouvoir d’achat de la plupart des classes moyennes et inférieures se réduire. Au-delà des fluctuations du marché, que Lebrodkin relativise en fonction des cycles normaux de l’économie capitaliste, il pose la question suivante : quel a été le facteur déterminant qui a amené la classe des possédants à accepter un plus juste partage de la richesse ? La réponse de Lebrodkin en surprendra plusieurs. Certes, l’un des avantages d’un pouvoir d’achat accru se situe dans la capacité de consommation plus grande, générant ainsi des profits plus élevés. Mais Lebrodkin explique que la marge de profits peut être accrue sans obligatoirement augmenter l’éventail de produits de consommation disponibles, et donc, sans nécessairement augmenter les revenus des travailleurs. Il insiste sur le fait qu’avant la Grande Guerre, les revendications des masses laborieuses étaient universellement ignorées, quand elles n’étaient pas sauvagement réprimées. Le mécanisme déclencheur, selon Lebrodkin, a été la naissance du pouvoir soviétique et l’attrait qu’il pouvait représenter aux yeux des travailleurs. L’économie libérale devait, dans le cadre élargi de la guerre froide, prouver que les travailleurs n’avaient pas à recourir à la révolution pour améliorer leurs conditions d’existence. Ainsi, autant pour triompher sur le plan de la doctrine que pour assurer la paix sociale, les capitalistes occidentaux ont accepté de partager un peu plus équitablement la richesse. Cette nécessité s’étant évanouie, les conditions de vie des travailleurs ont recommencé à se dégrader partout dans le monde.


 – Stanislas Lebrodkin – 208 p. – 1997 – Diplômé de l’université de Bielgorod en mathématiques et en macro-économie, Stanislas Lebrodkin, un ami intime de Noel Chomky, enseigne à l’université du sud de l’Alberta.

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