vendredi 22 octobre 2021

Catalogue

 

L’appâté chinois


Yeu est un homme qui s’est toujours considéré comme éminemment pragmatique. Les convictions ont toujours été évacuées, chez lui, au profit des avantages que la vie pouvait lui offrir. Ayant fait fortune dans l’import-export, il voit d’un mauvais oeil la rétrocession de Hong-Kong à la Chine communiste. Aussi, avant la date fatidique, décide-t-il de liquider ses investissements dans la colonie britannique et de déménager vers les États-Unis. Cependant, sa femme, sa fille et son fils aîné voient d’un mauvais oeil cette migration qui ne leur plaît guère. D’une part, sa femme regrette amèrement d’avoir à quitter sa famille. Sa fille, qui ne dédaigne pas laisser l’île où elle a grandi rêve de voyages, certes, mais pas en Amérique, un univers qu’elle hait profondément. Son fils, vaguement pégreux sur les bords, répugne à délaisser ses contacts opérant à mi-chemin du milieu des affaires et de celui de la contrebande. C’est donc dans une ambiance empoisonnée que Yeu et sa famille débarquent dans une banlieue cossue de San Francisco. Grâce à la communauté chinoise de l’endroit, il ne tarde pas à nouer des contacts avec des hommes d’affaires locaux, tous d’origine chinoise. Visant toujours plus haut, il désire brasser des affaires à l’échelle planétaire. Aussi, au-delà de ses contacts chinois, cherche-t-il à se rapprocher de la communauté d’affaires américaine. Pendant ce temps, les tensions que l’exil a révélées au sein de sa famille ne font que s’exacerber. Alors que sa femme adopte un style de vie traditionnel à la maison où le culte des ancêtres prend toute la place, sa fille a pratiquement déserté le foyer. Par contre, son fils s’est entouré d’une cour tapageuse et parasite au nom de laquelle il quémande sans cesse plus d’argent à son père. Yeu décide d’investir ses réserves dans un immense complexe domiciliaire devant voir le jour à San Francisco, sur les bords de la baie. Mais à mesure que le temps passe et que les magouilles se multiplient, il commence à nourrir des doutes quant à l’honnêteté de ses partenaires. C’est alors qu’un scandale éclate dans les journaux, et Yeu découvre avec stupéfaction que ses partenaires sont soupçonnés de fraude et de corruption. Lui-même traîné devant les tribunaux, il parvient à se tirer d’affaire, mais son séjour sous les feux de la rampe aura eu des conséquences insoupçonnées. Le fragile statu quo qui s’est installé entre les membres de sa famille s’est fractionné sous la pression des médias. Sa fille a profité du scandale pour fuir à l’étranger. Sa femme a sombré dans un état proche de la folie, tandis que son fils, abandonné de tous, a résolu de se livrer à la mendicité. À la fin, il ne reste plus à Yeu que quelques millions de dollars pour tenter de refaire sa vie.


 – Pauline Taarp – 422 p. – 1998 – Extrêmement décapant, ce roman attaque sans merci le rêve américain. Pour ce faire, il se sert des ambitions démesurées, qu’il n’a pas à caricaturer le moindrement, pour en révéler tout le ridicule.

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