Le pléonasme redondant
Essai grammatical et syntaxique par un des critiques les plus ardents des « nouvelles » méthodes d’enseignement du français, et l’un des avocats les plus farouches de la soi-disant « réforme » de la grammaire. Avec sa verve coutumière, Thomas Grammecy s’attaque avec humour, mais sans se départir de son ton mordant et caustique, aux contradictions inhérentes aux règles de la langue de Molière. Il offre au lecteur un historique assez troublant des origines du français contemporain, depuis le latin et, surtout, le bas latin, en passant par la langue d’oc et celle d’oïl, sans oublier non plus la contribution déterminante du francien, ce dialecte de la région de l’Île-de-France et de l’Orléanais, qui a fini par supplanter tous les autres. Au passage, Grammecy nous livre quelques-uns des secrets les moins glorieux – et les moins bien gardés – de la langue, dont, entre autres, la manie des copistes qui, étant payés au nombre de lettres, n’hésitaient pas à « étoffer » certains termes en leur donnant une graphie ampoulée et, bien entendu, biscornue qui fait encore aujourd’hui le cauchemar des écoliers. Ou encore, les rivalités entre certaines écoles et certains monastères qui ont débordé dans le domaine de l’écrit et qui ont entraîné une floraison de graphies, ce qui a provoqué l’assainissement que proposa l’Académie française sous Colbert. Et que dire, insiste M. Grammecy, des initiatives plus que discutables de ces chers Immortels qu’il n’encense pas du tout, tant pour la lourdeur de leurs méthodes que pour leur incontournable sens de la complexité ? Par ailleurs, l’auteur s’applique à contester, à l’aide d’une dialectique irréprochable, le prétendu « génie de la langue », un concept qu’il qualifie de suranné et de supercherie. Grammecy démontre, preuves à l’appui, que, même en ce qui concerne les règles les plus élémentaires de sa grammaire, la langue française est le royaume de l’arbitraire et de « l’abus de savoir ». Ce que l’auteur reproche plus particulièrement à la langue, et à travers elle à ceux qui l’administrent et la gèrent, c’est la surabondance de concepts qui, en convergeant vers des points définis du protocole grammatical, entraînent de facto un recouvrement des aires régulatrices, ce qui rend beaucoup plus complexe le travail pédagogique et obscurcit a priori la compréhension de l’apprenant. Comme la grammaire française est truffée de ces recouvrements et de ces redondances qui viennent « saboter » la compréhension du tronc commun grammatical, l’auteur se demande en conclusion, si leur rôle n’est pas justement d’assurer la mainmise de ces prétendus spécialistes (linguistes, grammairiens, philologues, etc.) dont le rôle se limite finalement à garder la langue française en otage et à se l’approprier pour monnayer plus facilement leur « pouvoir d’expert », établissant par là un lien troublant avec les scribes d’autrefois.
– Thomas Grammecy – 512 p. – 1991 – Ancien collaborateur du regretté Maurice Grevis, avec lequel il n’était pas toujours en accord, l’auteur ne compte plus les essais qu’il a publiés dans le domaine, pas plus que ses colorées interventions publiques.
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