lundi 22 novembre 2021

Catalogue

 


C’est comme tomber endormi


Claude excelle dans la firme de comptables où il travaille et ses patrons envisagent d’en faire leur plus jeune associé. De plus, il pense sérieusement à épouser la femme qu’il aime. Pour la première fois de son existence, il envisage la vie sous un jour brillant et invitant. Cependant, une visite de routine chez son médecin met brusquement un terme à cet état de félicité. Il apprend alors qu’il est atteint d’une maladie mortelle incurable. Désemparé, il ne peut se résoudre à croire une telle chose, mais des avis successifs auprès d’autres praticiens lui confirment l’affreuse réalité. Abattu, il commence par rompre avec sa jeune compagne, puis, davantage par désespoir, entreprend la rédaction d’un journal rendant compte des étapes, mais aussi des menus détails, de sa lente agonie. Possédé par un esprit morbide, le jeune homme se coupe de presque tous ses liens pour se consacrer à cette singulière activité. Il consigne ainsi, sans omettre la moindre chose, ses visites chez les médecins, les traitements inutiles qu’on lui fait subir. Jusqu’au jour où, sortant de son apathie, il se révolte et décide de tourner le dos à la médecine pour gérer seul son inéluctable descente vers la mort. Tout au plus, pour des raisons obscures qu’il ne s’explique pas lui-même, continue-t-il à rencontrer son groupe de soutien, des personnes qui, comme lui, sont éprouvées par la maladie. Mais qu’il s’agisse des moments les plus anodins de ces rencontres, ou des symptômes de plus en plus douloureux qui l’assaillent, il ne cesse de tout consigner méthodiquement. Ce qu’il écrit, c’est également sa peur, sa rage et son désespoir devant une existence qui s’est littéralement dérobée sous lui. Mais ses écrits s’écartent de la simple constatation pour s’élever vers un second niveau poignant. Une réflexion très profonde s’affirme et le journal cesse d’être l’épuisante énumération des douleurs et des peines pour devenir une métaphore troublante sur l’essence de la vie. Ses derniers confidents commencent à douter sérieusement de son équilibre mental lorsqu’il commence à leur expliquer son cheminement intérieur. Peu à peu, Claude comprend qu’il ne compte plus véritablement au nombre des vivants ; qu’il est devenu un « homme qui s’éloigne » de la vie et des choses des vivants. Afin de laisser ses affaires en ordre, il nomme son ami le plus proche exécuteur testamentaire et lui lègue à peu près tout ce qu’il possède. Le sort, cependant, décide de lui envoyer une ultime épreuve lorsque cet ami est tué dans un accident de la route et que, aux funérailles, son ex-compagne lui demande de lui faire un enfant avant de mourir.


 – Gaétan Tanguay – 230 p. – 1996 – Si le ton morbide peut paraître écrasant au fil des pages de cette oeuvre magistrale, c’est uniquement que la profondeur des idées est encore amplifiée par l’extraordinaire prose qui donne au récit un impact irrésistible. Certains critiques se sont montrés rébarbatifs à la sortie de ce roman, mais ils n’ont pu que reconnaître en même temps le magistral talent d’un auteur qui impose son écriture avec une ferveur peu commune.



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