lundi 25 juillet 2022

Catalogue

 


L’An terne


L’année 1979 a constitué une charnière d’autant plus importante qu’elle est demeurée largement ignorée. Les moments importants de l’histoire du Québec ont souvent coïncidé avec des débuts de décennie. Il en fut ainsi pour 1960, qui marqua le début « officiel » de la Révolution tranquille, une expression qui ne manque pas de faire sourire l’auteure. De même, 1970 a été l’année de la Crise d’octobre, un événement qui a servi de révélateur tant aux aspirations du peuple québécois qu’à son impuissance innée. À l’inverse, 1979 a plutôt marqué la fin d’un monde, celui qui a nourri les aspirations de la jeunesse occidentale. Ce n’est pas un hasard si, en 1979, les baby boomers arrivent alors à la trentaine, l’âge de la sagesse et où, leurs revendications sociales plus ou moins comblées, ils s’attachent à partir de ce moment à la réussite individuelle. L’auteur renvoie dos à dos des concepts qui, en apparence complémentaires, s’opposent avec acrimonie. En effet, tant que les revendications ont gardé un caractère collectif et communautaire, on a constaté que la société québécoise maintenait une orientation progressiste et dynamique, et ce, dans tous les domaines d’activité : arts, travail, politique, etc. Cependant, à partir du moment où les revendications passent du domaine collectif à la sphère – pour ne pas dire la bulle – individuelle, on assiste à un phénomène troublant. Les valeurs progressistes se racornissent au profit de la réussite personnelle. La remise en question des progrès sociaux s’est accompagnée d’un repli sur soi à la fois égoïste et dysfonctionnel. La fermeture d’esprit collective qui s’est opérée a également entraîné une occultation de sentiments, en particulier ceux de solidarité et de charité, élémentaires, afin d’assurer la paix de l’esprit à ceux qui, refusant l’épithète de profiteurs, profitent néanmoins du système mis en place. En d’autres termes, 1979 est devenu l’An terne, car à son terme ont disparu les dernières lumières où le progrès social, soit à titre de mode ou d’aspiration légitime selon les individus, a brillé de ses ultimes feux. En conclusion, l’auteur met en garde contre les risques qu’engendre une telle mécanique sociale. En effet, l’accent mis sur l’individu dans le discours conservateur, le respect absolu de sa personne, et surtout de sa propriété, ne peut que mener dans son exacerbation vers des dérèglements incontrôlables. N’est-ce pas dans les milieux où le respect de la personne est apparemment érigé en devoir sacro-saint qu’on a assisté à de tragiques débordements qui ont fini par anéantir la notion même d’individualité au profit d’élites avides de pouvoir et de richesse ?


 – Andrée Pauzé – 424 p. – 1995 – Diatribe douce-amère où l’auteure oppose bien collectif et bien individuel dans une perspective à la fois communautaire et humaniste. Dans le cadre de cet essai, il semble en effet que l’enfer soit pavé de bonnes intentions.

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