vendredi 21 octobre 2022

Catalogue

 


Les Américains sont dans les patates ! Ils sont dans le pétrole aussi, mais ça ne rapporte pas autant.


Au sommet de ce qu’on suppose être une tour de bureaux bâtie au centre d’une ville importante, on retrouve le décor du quartier général d’une grande entreprise québécoise. Alternativement, autour d’une vaste table de réunion où se rassemble le conseil d’administration ou dans une salle de repos attenante, les membres dudit Conseil s’agitent en fonction des divers messages qui leur parviennent du monde extérieur, soit par le biais du téléphone, de l’ordinateur ou, dans au moins un cas, de la télépathie. Littéralement accrochés à leur téléphone portatif, ces décideurs contemporains, qui n’hésitent pas à mettre leur propre enfant en attente tandis qu’ils reçoivent confirmation des nouvelles cotations de la Bourse, tentent de se surpasser les uns les autres. Confrontés à l’obligation de réussir ou mourir, ils redoublent d’efforts afin de se faire bien voir par le président de la compagnie, personnage nébuleux et falot qui tourne selon le vent. Même leurs escapades amoureuses menées soit discrètement, soit pratiquement au vu et au su de tous, n’ont d’autre objet que de se faire valoir. L’ambition sans limites de ces cadres ne connaît aucun frein et n’arrive à s’exprimer que de façon grotesque en empruntant les lieux communs du monde des affaires tels qu’importés et traduits, pas toujours avec bonheur, afin d’être utilisables dans une langue autre que celle des Américains. Dans cet univers caricatural, dont on ne peut manquer de relever la pertinence des clins d’oeil, la principale activité semble être, avant toute prise de décision, de connaître ce que « les Américains » envisagent de faire afin de les imiter le mieux possible. Cette obsession de la perte d’identité mène à des excès des plus cocasses, comme, par exemple, lorsque les capitaux américains sont investis dans la NASA et que, pour leur part, les Québécois n’ont d’autre recours que d’engloutir des montants exagérés dans une obscure compagnie fabriquant de la toile pour les combinaisons d’astronautes. Cette nef de fous n’est pourtant pas à l’abri des remous. En effet, lorsqu’un courtier américain parlant au nom d’une des grandes entreprises américaines téléphone au président en pleine séance du conseil pour demander son avis, les gens autour de la table ne savent plus que répondre. Incapables de penser par eux-mêmes, ils tentent de se décharger de leurs responsabilités qu’ils sont incapables d’assumer. Mais l’un d’eux nourrit quelques doutes. Et si cette histoire n’était qu’une habile manoeuvre du président afin de se trouver un successeur ?


 – Réal Vildemont – 188 p. – 1993 – Cette pièce satirique parodie l’infatuation ridicule du monde des affaires dont l’admiration sans bornes envers le pseudo « modèle américain » devient la mesure de la réalité et parvient à évacuer toute notion de différence ou d’identité propre. 


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